Ils ont moins de 30 ans et font bouger l'entrepreneuriat
Qu'ils montent sur des podiums pour y recevoir des récompenses, décrochent des levées de fonds ou déploient leur business à l'international, ils n'en oublient pas le sens de leur engagement. Alors qu'ils incarnent le succès et l'avenir, ces jeunes entrepreneurs jouent collectif.
Couverte de prix et de récompenses , à 28 ans, Lucie Basch, cofondatrice et CEO de Too Good To Go, incarne la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il faut dire que l'application Too Good To Go, lancée en juin 2016 simultanément en France, au Danemark et en Norvège - 26 millions de téléchargements depuis - a déjà contribué à sauver 46 millions de paniers dans le monde ! Si la France est son premier marché (elle y compte 14 000 partenaires commerçants sur 52 000 au total), Too Good To Go se revendique être un mouvement global en lien avec les entreprises, le monde étudiant, les pouvoirs publics et les industriels. Elle déploie même ses ailes aux États-Unis.
En hypercroissance, labellisée B-Corp, l'entreprise emploie 650 collaborateurs dans 14 pays. Mais quand on l'interroge, Lucie Basch le confie sans ambages : " Je n'ai jamais eu à coeur de créer une entreprise, ce qui me plaît c'est de porter un projet à impact et de me laisser surprendre. L'entreprise s'avère être le modèle le plus efficace, le plus crédible et le plus intéressant pour créer un mouvement mondial. " Pour des raisons d'échelle notamment, grandir à l'international est plus facile lorsque l'on peut s'appuyer sur un modèle économique créateur d'emplois...
La génération du sens
La mission pousse à l'action. " Les moins de 30 ans sont animés par le sens à donner à leur vie ", constate Émeric Oudin, président du Centre des jeunes dirigeants (CJD). Pourquoi entreprendre ? 60 % estiment que c'est un moyen de faire bouger le monde, selon une enquête menée par Opinonway pour France Active l'année dernière. " Les projets portés par les jeunes comportent une dimension sociale et environnementale ", commente Denis Dementhon, directeur général France Active. Ils sont 30 % à envisager un modèle où tous les salariés seraient décisionnaires, 25 % à privilégier un projet lié au développement durable ou à l'environnement. " Les générations précédentes créaient des entreprises pour gagner de l'argent, aujourd'hui c'est différent. L'environnement, l'économie circulaire, le recyclage font partie de leur business model ", confirme Émeric Oudin. À la sortie des grandes écoles, les managers privilégient le secteur du commerce, les ingénieurs les technologies de l'information et de la communication ou le conseil, nous apprend l'enquête sur l'insertion des diplômés des grandes écoles (CGE - ENSAI, juin 2020).
Les porteurs de projet se lancent dans l'aventure entrepreneuriale de plus en plus tôt. " Il y a dix ans, personne ne parlait de l'entrepreneuriat des jeunes ", note Dominique Restino, président de Moovjee, réseau de mentorat pour les 18-30 ans. Impatients, certains jeunes gens n'attendent plus d'acquérir de l'expérience avant de tenter l'aventure.
Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en avril 2019, l'âge moyen d'accès à un premier emploi est désormais établi à 27 ans. Quant au sociologue Jean Viard (auteur de l'essai "Un nouvel âge jeune" publié aux Éditions de l'Aube), il estime que la plupart des jeunes deviennent adultes vers 30 ans. Or, les entrepreneurs à succès foncent bien avant. " Ils ont vu leurs parents se faire débarquer des entreprises qui les employaient. Ils souhaitent donc accéder à un job qui leur plaît, certains créent une entreprise, d'autres rejoignent une association, leur objectif étant de compter sur leur époque, de prendre part à la vie de la cité ", assure Dominique Restino. Les exemples sont légion.
Préserver la planète
Le 21 janvier 2020, Louis Lefevre, 28 ans, ingénieur de formation, fondateur de La Tête dans les nuages, société d'upcycling, se présente à l'émission "Qui veut être mon associé ?" sur M6. Le concept convainc des mentors de renom qui entrent au capital à hauteur de 10 % et le suivent depuis : Frédéric Mazzella (BlaBlaCar), Marc Simoncini (Meetic, Sensee et Jaïna Capital), Delphine André (Groupe Charles André). Fils d'agriculteurs installés en Picardie, Louis Lefevre se passionne pour les questions liées à l'environnement et à l'économie circulaire. Il effectue son stage de fin d'études chez Phenix, start-up antigaspi, et planche sur le recyclage du polystyrène. " C'est là que naît l'idée de broyer le polystyrène des emballages pour remplir des coussins géants au lieu d'utiliser des billes neuves ", raconte-t-il. Son objectif : redonner de la valeur à des produits en fin de vie. Sa mission se dessine, il pense alors aux montgolfières qui, après huit ans de vol, finissent à la déchetterie et se propose de les récupérer. Une campagne de crowdfunding plus tard, La Tête dans les nuages voit le jour, d'abord dans un hangar de la ferme familiale puis en Seine-Saint-Denis.
Replacer l'humain au centre
À tout juste 30 ans, Charlotte de Vilmorin - qui fait partie des 40 Françaises inspirantes de l'année selon le magazine Forbes - a déjà un long parcours derrière elle. Blogueuse, elle raconte dans Wheelcome.net les anecdotes de sa vie parisienne et ses péripéties en fauteuil roulant (elle souffre d'un handicap dû à une maladie génétique). Chef d'entreprise, elle dirige Wheeliz, le site de partage de véhicules aménagés entre particuliers. Elle a aussi signé un premier roman "Ne dites pas à ma mère que je suis handicapée, elle me croit trapéziste dans un cirque" paru chez Grasset.
Ne pas s'apitoyer sur son sort, avancer et proposer de nouveaux services, c'est aussi le moteur d'un autre dirigeant d'entreprise, Louis Debouzy, 29 ans, aux commandes d'Amabilis, qui transforme son handicap en force. Atteint de myopathie, Louis, qui hésitait entre une carrière d'avocat et d'entrepreneur, passe une année à New York pour préparer un master. " Là-bas, je découvre le monde des auxiliaires de vie dont j'ai besoin. Le marché y est assez similaire à celui de la France, il est très porteur, la demande nombreuse, la main-d'oeuvre peu qualifiée, mais l'encadrement est efficace, ce qui n'est pas le cas ici où l'approche reste misérabiliste. " À son retour en 2015, il fonde Amabilis, qui compte en 2020 une dizaine d'agences en France et emploie 250 personnes. " Nous ouvrons une école pour former nos intervenants sur les aspects techniques, et sur le savoir-être ", glisse-t-il.
Discrétion, efficacité, ponctualité : dans le secteur, les soft skills sont essentielles. " Je veux bien d'un auxiliaire gentil, mais je veux surtout qu'il arrive à l'heure ", s'amuse Louis Debouzy. Son ambition ? Proposer un groupe de santé, qui puisse prendre en charge la dépendance de manière globale (aide à domicile, mise à disposition de matériel médical, portage de repas), le tout digitalisé via une plateforme en lien avec des objets connectés pour garder l'oeil sur les personnes dépendantes. Son autre projet : la vente directe aux professionnels. " Il faut casser les intermédiaires pour permettre aux professionnels de santé de s'approvisionner. Nous avons d'ailleurs commencé en ouvrant la plateforme Hellomedical.fr ", annonce-t-il.
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