La green supply chain
La green supply chain
Interview de Camille Villard, consultant Square spécialisé en Supply Chain, pour Les Echos.
Quelle a été la genèse de ce travail ?
Au travers de ce travail, nous souhaitions concilier notre expertise de la Supply Chain avec la prise en compte des enjeux environnementaux, qui représente une conviction profonde et partagée par les trois rédacteurs du book et, de manière plus générale, par notre cabinet Flow&Co, cabinet du groupe Square.
Nous avons alors voulu réfléchir à des propositions concrètes et d’actualité, afin d’aider les directions Supply Chain à transformer leur modèle actuel. Le concept de Green Supply Chain n’est pas nouveau, mais n’est pas synonyme de solution à part entière. L’idée est de développer des projets, de créer des synergies internes ou extra-entreprises, afin d’imaginer des solutions permettant d’amener les Supply Chain telles qu’on les connaît aujourd’hui, à se transformer vers un modèle plus responsable.
L’idée de ce book était donc de montrer que Supply Chain et durabilité ne doivent plus être vu comme deux antonymes mais plutôt comme l’association des deux concepts qui permettraient d’amorcer un avenir plus pérenne et plus durable. Parier sur une Supply Chain durable, c’est également anticiper les évolutions réglementaires à venir tout en proposant un modèle différenciant pour une consommation responsable.
En quoi la fonction Supply Chain est-elle un moyen idéal pour piloter le bilan carbone d’une entreprise ?
Le bilan carbone est un outil de comptabilisation des émissions carbone liées à une activité, un secteur, une entreprise ou individu.
Il existe depuis maintenant plusieurs années et s’appuie sur trois “scopes”:
Le scope 1 qui recense l’ensemble des émissions directes générées par une activité. Le scope 2 qui correspond aux émissions étant indirectement liées à la production d’électricité (etc.) utilisée. Et enfin, le scope 3 qui comptabilise l’ensemble des émissions indirectement produites par une activité. En France, l’obligation légale consiste à réaliser ce bilan, pour certaines entreprises, tous les quatre ans, en ne prenant en compte que les scopes 1 et 2. Il n’y a aujourd’hui pas d’obligation pour le Scope 3. Par exemple, un fabricant de téléphone dont l’approvisionnement en composants électroniques dépend d’une tierce entreprise, ne sera pas tenu de prendre en compte les émissions induites par la production des composants qu’il achète.
Aujourd’hui, chez Flow&Co nous avons la conviction que cette réglementation sera amenée à évoluer pour intégrer le scope 3, afin d’avoir une vision complète et réelle de l’impact écologique d’un produit/service.
C’est dans cette optique là que nous pensons que la Supply Chain va avoir un réel intérêt. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, la Supply Chain est une fonction transverse qui permet une vision 360 de l’activité d’une entreprise, que ce soit de l’approvisionnement en matières premières, de la production et de la distribution, jusqu’à la disposition du produit en magasin.
Cette transversalité constitue une force pour pouvoir mesurer les émissions carbone auprès, par exemple, des différents fournisseurs, que ce soit les fournisseurs de rang 1 ou plus, et ainsi avoir une estimation beaucoup plus précise de l’impact global d’une activité.
A quelles transformations et quels défis la Supply Chain est-elle soumise avec l’émergence de l’économie circulaire ?
L’économie circulaire vise tous les stades d’un produit de consommation et de services. Elle va chercher à optimiser l’utilisation des ressources donc à réduire son impact sur l’environnement.
Cette économie circulaire, dans un certain sens, s’oppose au modèle économique actuel axé sur l’utilisation sans limite des ressources, pour produire des biens dont les utilisateurs, trop souvent, se séparent avant même leur date de fin de vie. Les Supply Chains ont, depuis plusieurs décennies, été réfléchies via le prisme de ce modèle sans limite avec pour objectif premier la réduction drastique des coûts, quitte à délocaliser et donc s’éloigner du marché de consommation.
La réflexion de l’économie circulaire est de tendre vers un modèle beaucoup plus durable, en adéquation avec l’impact positif qu’elle peut générer sur l’environnement. Les Supply Chains vont donc devoir se transformer et se réinventer pour correspondre à ce modèle.
Premièrement, l’économie circulaire occasionne un modèle d’approvisionnement moins prévisible qui ne dépend plus seulement du triangle qualité, coûts, délais. Il va devoir prendre en compte également le critère environnemental. Ce premier paramètre va influer sur le mode d’approvisionnement et ajouter un degré d’imprévisibilité et donc impacter l’achat de manière conséquente. Le second paramètre concerne la politique de gestion des stocks. Les entreprises vont faire face à la multiplication des références induites par les différents états du produit reconditionné (état de marche, très bon état, etc). Cette multiplication des références va contraindre les entreprises à agrandir leur espace de stockage et repenser leur logistique.
Le défi de transformation pour les Supply Chains va se situer enfin au niveau des systèmes d’informations. Ils vont être impactés au niveau back office en raison de cette nouvelle gestion des stocks et de l’augmentation des références produits, mais aussi en front office via le design d’un nouveau parcours consommateurs. Aussi il sera nécessaire d’être transparent en ce qui concerne les produits proposés aux clients, sans oublier l’aspect réglementaire.
Sur la logistique des derniers kilomètres, quelles évolutions éco-responsables faut-il anticiper ?
Aujourd’hui, la logistique du dernier kilomètre est une activité bien connue des logisticiens et surtout des acteurs de la distribution en zone urbaine.
En 2019, pour la première fois en France le chiffre d’affaires du e-commerce a atteint le cap des 100 milliards d’euros. Cela induit un développement important des livraisons « du dernier kilomètre » et génère un fort impact sur les émissions de gaz à effet de serre en zone urbaine. Cette activité représente non seulement un enjeu de société mais également un enjeu économique pour les acteurs de la distribution.
Plusieurs évolutions éco-responsables peuvent être envisagées.
Certaines vont être inhérentes au B2B et d’autres vont être propres au B2C
Pour le B2B, la problématique se situe au niveau de la gestion des flux de marchandises vers les magasins. Les solutions qui pourraient être envisagées portent sur la mutualisation des flux du dernier kilomètre, en limitant les livraisons individuelles et en mutualisant les commandes afin de livrer un seul point. Les entreprises de distribution vont devoir travailler avec différents partenaires et parfois même des concurrents pour réussir à converger vers une solution commune.
Cette mutualisation peut être bénéfique économiquement via l’optimisation du taux de remplissage des camions de livraison, si elle est pensée de façon optimale dans un objectif de réduction du coût colis.
On peut imaginer des centres logistiques en zone urbaine sur lesquels tous les acteurs industriels feraient transiter leurs colis. Cette unité sera responsable de consolider et de mutualiser les livraisons du dernier km directement dans les villes.
Quant à l’aspect B2C, le progrès passera forcément par une responsabilisation des consommateurs en introduisant des systèmes incitatifs sur les sites marchands pour pousser le client à grouper ses commandes, comme par exemple rendre obligatoire l’aspect payant des livraisons, démocratiser encore plus les solution de point relais, ou proposer des dates de livraison optimales – et donc plus longues – qui permettraient au marchand d’optimiser ses tournées de livraison.
Plus généralement, comment la supply-chain pourrait-elle aider les entreprises à avoir à l’avenir un impact positif sur un plan social ?
On pourrait imaginer, de la même façon que pour le bilan carbone, et avec une réelle volonté qui se manifeste de plus en plus via les politiques RSE, que la Supply Chain puisse être un outil permettant de faire évoluer les politiques sociales des entreprises.
La Supply Chain est transverse sur l’ensemble de la chaîne d’un produit, elle va donc permettre d’avoir de la visibilité à tous les niveaux. Si on considère le cas, par exemple, d’une entreprise qui s’approvisionne auprès d’un fournisseur basé en Chine. Le bilan carbone va permettre de calculer les émissions induites par l’achat de ces matières premières, mais on peut imaginer aller plus loin en prenant en compte la politique sociale, les conditions de travail etc.. de ce fournisseur.
Il serait donc tout à fait possible d’évaluer la maturité sociale des fournisseurs avec lesquels les entreprises travaillent grâce à la Supply Chain. L’objectif étant d’observer de quelles façons ces fournisseurs respectent ou non certains aspects sociaux et législatifs (conditions salariales, travail des mineurs,…) et ainsi prendre des mesures adéquates.
M. Murat(6) -source : Les Echos
https://blgsqr.files.wordpress.com/2020/11/book-square-la-green-supplychain.pdf
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