Les syndicats dans l’entreprise
Il est des sujets ou l’impartialité est vouée à l’échec, même si l’auteur est le plus juste possible, chaque lecteur trouvera l'article tendancieux en fonction de sa sensibilité . Il en est ainsi de la politique de la religion … et des syndicats!
A l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise, ils sont là et le management ne peut l'ignorer.
Les syndicats: "ça sent le soufre!"
Il y a quelques années, le directeur de l'Institut du Travail rappelait «Les syndicats en France (salariés ou patronaux) n'ont pas bonne presse, on a souvent le sentiment qu'ils ne représentent qu'eux-mêmes, qu'ils sont politisés». Mais ce n’est pas le seul reproche entendu à leur égard: leurs responsables ont la réputation méritée de pantoufler dans les grands organismes sociaux, d'engranger des indemnités invraisemblables et de se faire rattraper de temps en temps par la justice sur le financement de leur organisation.
On en oublierait leur mission principale :Les syndicats assurent la défense collective et individuelle des intérêts des salariés, au niveau national et à l’échelle de l’entreprise.
Dans l'entreprise, c’est porter les préoccupations des collègues de travail et communiquer à ces derniers les informations obtenues de la direction.
Au niveau national: Les partenaires sociaux sont systématiquement consultés par le Gouvernement lors de l'élaboration des projets de loi en matière de relations du travail, d'emploi ou de formation professionnelle. Qu’il s’agisse des institutions représentatives du personnel, d’égalité professionnelle, de qualité de vie au travail, de convention d’assurance chômage, de retraite… les syndicats sont bien souvent moteurs dans l’élaboration des réformes sociales.
Les conventions collectives: Ces documents permettent d'adapter le droit du travail au contexte de la branche d'activité. Les syndicats participent à la mise en place des conditions de travail particulières (emploi, formation professionnelle, garanties sociales des salariés).. Négocier au niveau des branches offre par exemple la possibilité de bénéficier de mutuelles, de chèques vacances ou de chèques déjeuner.
Le paritarisme, voilà une notion bien française, qui place sous le contrôle des partenaires sociaux - organisations patronales et syndicats de salariés- et non pas sous celui de l'État ou du Parlement, des pans essentiels du système social du pays: la Sécurité sociale, avec ses 3 branches (maladie, retraite, allocations familiales) qui brassent presque 400 milliards d'euros, le chômage via l'Unedic et les Assedic , la retraite complémentaire , la formation professionnelle , les aides au logement ... Des sommes qui, cumulées, équivalent à peu près au budget de l'État.
Au niveau de la région ou du département, c'est la politique sur le handicap , la dépendance liée à l'âge, la gestion des organismes de formation continue les"Défenseurs Salariés dont les noms sont dans toutes las mairies, la justice avec les conseillers prud'homaux et les juges au Tribunal de grande instance pour les affaires de la sécurité sociale et ils sont là pour arbitrer les redressements infligés aux entreprises par l'URSSAF.
La répartition des postes est un sujet tabou. Partant du principe que chacun doit avoir son domaine, il ne viendrait à l'idée d'aucun syndicat de disputer à la CFTC la branche famille de la Sécurité Sociale ni de demander à la CGC d'abandonner l'AGIRC.
Cette imbrication dans les grands problèmes du pays conduit chaque syndicat à développer une vision politique et la façon de la mettre en œuvre: certains préfèrent alors s’asseoir et négocier pendant que d'autres installent des piquets de grève pour bloquer l'économie.
En conclusion même dans les TPE ,où les syndicats ne sont pas ou rarement représentés , ils sont concrètement présents: ils ont participé aux réformes sociales , négocié les conventions collectives et l’entreprise pourra en outre les retrouver lors de contentieux à l'URSSAF , aux Prud’homme et même dans ses propres locaux lorsque un défenseur des salariés viendra de l'extérieur aider un des membres de son personnel à traiter un litige .
La représentativité syndicale
Nous venons de voir les différentes facettes du pouvoir des syndicats, mais celui-ci dépend de sa représentativité
Représentativité au niveau de l'entreprise
Pour qu'une organisation syndicale soit reconnue représentative dans l'entreprise, il faut qu'elle ait recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles.
Représentativité au niveau des branches
Le critère d'audience pour la représentativité au niveau des branches professionnelles est mesuré par agrégation des résultats électoraux des entreprises de la branche. Une organisation syndicale doit recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés pour être représentative dans la branche. Elle doit en outre disposer d'une implantation territoriale équilibrée au niveau de la branche.
Représentativité au niveau national
Le critère d'audience pour la représentativité au niveau national interprofessionnel est mesuré par agrégation de l'ensemble des résultats électoraux. Une organisation syndicale doit recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés pour être représentative au niveau national interprofessionnel. Elle doit en outre être représentative à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.
Le financement est plus transparent depuis les lois de 2008: environ 30% viennent des cotisations (environ 200M€), une autre partie des subventions de l’état , des collectivités locales et du patronat (!)s ; elles sont souvent distribuées au prorata de la représentativité. On comprend alors pourquoi les élections dans les grosses sociétés sont un enjeu majeur pour les syndicats, qui « montent des listes », essayent de trouver le discours qui démarque : il faut gagner des voix. La règle des 10 % de votes pour être représentatif a permis de stopper la progression du nombre de syndicats dans l’entreprise.
Nicolas Perruchot a été responsable à l'Assemblée nationale d'un rapport d'enquête sur Les Mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés. Pour la première fois de l'histoire de la Ve République, un rapport parlementaire n'est pas publié. Nicolas Perruchot évoque un financement de l'ordre de quatre milliards d'euros par an.
La représentation du personnel dans l’entreprise : le rôle du syndicat
Dans beaucoup de petites entreprises, il n’y a pas de syndicat, le personnel est alors représenté par des volontaires non syndiqués. Les syndicats amènent aux délégués du personnel le support juridique, une aide à la négociation. Pour les syndicats qui n’ont pas choisi le conflit comme mode d’expression, ils peuvent apporter la pondération nécessaire pour éviter le déclenchement ou l’enlisement d'un conflit .Mais ce n'est pas forcément la règle générale (cf tableau ci dessous)
Les syndicats sont donc en général présents dans l’entreprise dans 2 instances : le CSE et le conseil d’administration
Le CSE : Le comité social et économique fait partie des nouvelles réformes du Code du travail prévues dans les ordonnances présentées fin août 2017 par le gouvernement du président de la République Emmanuel Macron.Toutes les sociétés devait en organiser l'élection en 2018, 1019.il est élu pour 4 ans
Quelles sont les entreprises concernées ? Quelles sont les attributions du comité social et économique ? Le tour de la question sur cette nouvelle instance:
Le comité social et économique : une seule instance représentative du personnel
Les questions relatives aux sujets économiques et sociaux au sein d’une entreprise y seront traitées.
Pour rappel :
- Les DP étaient présents dans les entreprises de plus de 11 salariés et avaient pour principale mission de représenter le personnel auprès de l’employeur à qui ils transmettaient les réclamations en matière d’application de la réglementation du travail.
-Le CE était obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés et il avait pour rôle de mettre en place des œuvres sociales et culturelles au profit des salariés.
- Le CHSCT, également présent dans les entreprises de plus de 50 salariés, veillait à la bonne santé des salariés et au respect et à l’amélioration de leurs conditions de travail.
Avec la création du comité social et économique, les salariés seront représentés de la même manière dès que l’entreprise compte au moins 11 salariés.Il ya néanmoins une différence qui est importante le nombre d'heures de délégation octroyées aux élus salariés pour exercer leur mandat à fortement diminué. Certains syndicalistes "à vie" ont été obligés de rejoindre leur poste initial . Dur quand la machine ou le logiciel avec lequel il travaillait n'existe plus depuis longtemps.
Les membres du CSE
Les crédits d’heures alloués aux membres du comité économique et social ne doiventpas être inférieurs à 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés et à 16 heures dans les autres.
Cette instance doi désigner son secrétaire et son trésorier et déterminer les principes de son fonctionnement, en accord avec l’employeur, dans un règlement intérieur. L'employeur est autorisé à se faire accompagner aux réunions du comité économique et social par 3 personnes au lieu de 2 précédemment
Le fonctionnement du CSE
Le comité social et économique doit se réunir au moins une fois par mois à partir de 300 salariés et une fois tous les deux mois dans les plus petites entreprises. Quatre de ces réunions doivent aborder les questions de santé, de sécurité , conditions de travail.
Une commission spécifique pour le traitement des questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit être mise en place au sein du comité social et économique dans toutes les entreprises d’au moins 300 salariés. Cette commission peut aussi être imposée par l’inspecteur du travail dans les entreprises plus petites, mais qui, par leur activité, présentent un risque pour la santé des salariés.
Le budget du CSE
L’ordonnance qui définit les modalités de fonctionnement du comité social et économique précise le montant de son budget :
- -de 11 à 49, seul le crédit d’heures de délégation est prévu
- -les entreprises de 50 à 2 000 salariés : l’employeur doit financer le comité social et économique par une subvention de fonctionnement égale à 0,20 % de la masse salariale
- -pour les entreprises de plus de 2 000 salariés : cette subvention est égale à 0,22 % de la masse salariale au minimum .Ce chIffre peut avoisiner les 5% dans les entreprises où le CSE s'occupe de la restauration d'entreprise.
Le rôle du comité social et économique
Le comité social et économique reprendra les prérogatives et les compétences des représentants du personnel. Cette instance, en tant que personnalité morale, sera en capacité d’agir en justice, de déclencher des enquêtes et de demander des expertises.
Comme l’actuel comité d’entreprise, le comité social et économique sera consulté chaque année sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise, la politique sociale , et les conditions de travail et l’emploi
Le Conseil d’administration : Les administrateurs salariés
Le Code de commerce oblige les "sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger)" de désigner des administrateurs salariés. Le nombre de ces administrateurs ne peut être supérieur à quatre , cinq dans les sociétés cotées en bourse. Leur nombre ne peut excéder le tiers du nombre des autres administrateurs. Lorsque le nombre des administrateurs élus par les salariés est égal ou supérieur à deux, les ingénieurs, cadres et assimilés ont un siège au moins.
Pour les entreprises plus petites, le code du commerce permet à une entreprise d’intégrer dans ses statuts des administrateurs salariés. Cela relève du volontariat.
L’administrateur salarié, doit défendre les intérêts de l'entreprise tout en portant la voix des salariés. Il doit faire attention à ses mots, au respect de la confidentialité, car au moindre écart, sa responsabilité civile et pénale est engagée. L’administrateur salarié partage la responsabilité pénale collective du Conseil d’Administration.
Il dispose d’un droit à se former pour tenir sa place.
En conclusion, on le voit, le cadre nécessaire à un dialogue est bien là.
Les experts affichent souvent des chiffres allant de 10 à 20% de productivité supplémentaire avec un bon climat social et pourtant la France est aujourd’hui classée en 132ème position sur 148 pays en matière de qualité du dialogue social. Vu de l’étranger, le dialogue social français est plutôt vu comme destructeur.
Sans être exhaustif et dans le désordre, on pourrait trouver quelques explications :
-Dans le contexte quasi politique des syndicats en France, certains font renter dans l’entreprise les revendications, postures, dialectiques et argumentaires de leur centrale. Les représentants syndicaux deviennent alors les représentants de leur syndicat plus que de leurs collègues. Les objectifs de l’entreprise et quelques fois sa pérennité sont sacrifiés sur l’autel de la doctrine.
-La réciproque est vraie, les syndicats patronaux peuvent influer sur le management de l’entreprise développant la défiance vis-à-vis des représentants du personnel qui rend tout dialogue impossible. Imaginez comment un dirigeant d’entreprise communique lors d’un Conseil d’administration s’il craint que l’administrateur salarié ne sache pas tenir sa langue ou qu’il utilise sa connaissance des résultats de l’entreprise pour argumenter ses revendications salariales.
-Pour les entreprises les plus importantes, la « course à l’échalote » entre syndicats peut exacerber et conduire à des revendications populistes et/ou irraisonnables- - - -
Faute de dialogue ouvert, les entreprises conduisent à la judiciarisation des conflits: la majorité des décisions de justices sont alors prononcées à leurs dépens….
- Depuis quelques temps se greffe une vision « gilet jaune » : « Patron et syndicat c’est la même chose: ils ne savent pas régler nos problèmes concrets ». Dans ce climat, il n’y a plus de « représentativité » du ou des syndicats et le management de l’entreprise n’a plus le lien vers l’ensemble de son personnel . Les conflits spontanés peuvent alors éclater et il n'y a plus personne pour négocier.
Même si le syndicalisme recule en Europe et particulièrement en Europe du sud , il reste encore très fort en Europe de nord. La relation syndicats/ entreprises est globalement plus apaisée et productive , L’énorme différence vient d’une refonte du monde syndical qui tend vers le syndical unique par branche.
Faudrait-il cela en France pour apaiser le climat ? Si la réponse est oui, la question suivante est encore terrible :plus qui osera réformer le système ?
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