Tour du Monde de Lavina : 8 - Vanuatu
Le temps se savoure au Vanuatu 31-01-19
Je viens d’arriver à Port-Vila, la capitale du Vanuatu. Cet archipel au nord de la Nouvelle Calédonie est composé de 83 îles. Même si je me consacre à la seule île d'Efaté, cela reste un petit paradis terrestre pour le routard.
Anciennement, les Nouvelles Hébrides, le Vanuatu d’aujourd’hui, était un Etat Condominium Franco-anglais. Maintenant, il est une république autonome reliée au Commonwealth depuis 1980, composée par une population essentiellement mélanésienne. Deux choses m’interpellent rapidement : les voitures roulent à droite, étonnant dans un pays du Commonwealth ; en second lieu, si le bichlamar est la langue parlée par tous, on enseigne le français ou l’anglais selon l’école ce qui fait que chaque autochtone a une seconde langue. Et je me plante à tous les coups : si j’aborde un autochtone en français, il me répond un « english, please ». Il y en a encore quelques-uns qui peuvent répondre en français.
Bien évidemment, je commence mon séjour par le marché, c’est là où tu sens battre le mieux le pouls du pays où tu débarques. J’ai beaucoup aimé sa pagaille haute en couleur de celui de Port-Vila. Les étals sont organisés en rectangles à l’intérieur desquels s’amassent systématiquement famille et amis. Et cela se répète un peu partout pour les fruits et légumes. Les allées sont également utilisées pour stocker la marchandise : des lots de noix de cocos, de patates douces, de manioc, sont posés à même le sol avec un bout de carton ou de contreplaqué indiquant le prix ; ça rend difficile la circulation des acheteurs mais tout le monde enjambe et s’en accommode.
La gentillesse de ceux que tu rencontres, derrière le faciès fermé et austère du mélanésien, se traduit toujours une réponse polie et souriante. On t’invite à passer un moment ensemble, ici le temps se partage facilement. Par moments, la peau plus noire de l’autochtone fait contradictoirement remonter des vieux souvenirs d’Afrique. Je ferai le tour du marché tous les jours durant mon séjour.
Belle entrée en matière dans un pays jadis sous tutelle de la France ! Mais l’influence australienne se ressent de plus en plus et marque lentement ces îles de son empreinte… adieu la francophonie.
A deux pas de mon hôtel, l’Houstalet, très bon restaurant devient très vite ma cantine. D’étranges toiles aux regards insolites de femmes, peintes avec des lèvres marquées, des corps difformes et grande abondance de couleurs, y sont exposées. Le patron, Clément Martinez un octogénaire fantaisiste, me dit être l’ami du peintre qu’il a connu à Papeete dans les années 60. Je décide de lui rendre visite.
L’artiste, Aloï Piliako est né sur l'île voisine de Wallis et s’est installé ici en 1961, avec son ami Nicolas, à 5 kilomètres de Port Vila, à Esnaar sur les rives du lagon d’Erakor. Les deux sont considérés comme les précurseurs du courant artistique contemporain dans le Pacifique. Aujourd’hui, Aloï a 85 ans et Nicolas est décédé. Le souvenir de son compagnon reste présent dans toutes ses toiles, signées dorénavant Nicaloï.
Lorsqu’on s’enfonce dans la végétation dense qui entoure son lieu de vie, on est déconcerté par l’état de délabrement et d’abandon. Les couleurs surgissent derrière un bosquet et une voix m’interpelle : « vous êtes français ! ». Je n’avais pas aperçu notre artiste dans ce capharnaüm de nature et de bric à broc, plus trivialement, dans ce bordel. Il m’invite à visiter sa demeure, son atelier : tout est à mille lieux de l’ordre occidental, tu perds tes repères dans un tel désordre. « Si l'ordre est le plaisir de la raison, le désordre est le délice de l'imagination », appréciation de Paul Claudel. Cet Aloï, qui vit pour son art et la mémoire de Nicolas, loin des nuisances sociétales, est un bien curieux personnage… comme tout artiste me diras-tu !
En ce dimanche, le mécréant que je suis va à la messe, non pas qu’il se soit converti mais en simple curieux dans un pays touché par une foi immense. J’assiste à un superbe spectacle et suis pris par la fraternité qui se dégage tant à l’intérieur du temple qu’à l’extérieur. Plusieurs dames et hommes sont venus me serrer la main pendant l’office et je n’ai pas compris pourquoi. Il est vrai que la messe est dite en utilisant les trois langues du pays : le bichlamar, le français et l’anglais… et je loupe quelques passages. Les séquences chantées sont fort prenantes. Les dames se sont parées de leur plus beaux atours. L’église est trop petite : des hommes d’un côté et des dames-enfants de l’autre suivent la messe depuis l’extérieur et rentrent momentanément, pour communier ou prier. C’est curieux !
La messe terminée, le corps ecclésiastique, dont le prêtre qui officiait en chasuble verte, se poste à la sortie et salue un à un tous les fidèles du jour. Ce côté un tantinet festif, empli de bonne humeur et loin de l’austérité occidentale n’est pas pour me déplaire. Si je séjournais davantage ici peut être me convertirais-je !
Yves Lavina (4)
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