Tour du monde de Lavina : 10-Surprenante île de Bornéo
Surprenante île de Bornéo - 26 février 2019
Après la Nouvelle-Guinée Papouasie et les Philippines, je décide de visiter, dans ce sud-est asiatique que je connais bien, cette île des coupeurs de têtes où je n’ai pas encore mis les pieds. J’en profite pour faire un petit détour par Bangkok afin de rencontrer Michel Salesse, un vieux copain de promo. J’aime les gens aux parcours originaux, et Michel en a un ; après avoir exercé son métier d’ingénieur en Mayenne, il a créé sa petite entreprise de travail des pierres précieuses à Bangkok, il y a quelques 25 ans, dans le grand quartier… des joaillers.
Pas de bol, il vient d’être opéré en urgence en France et je ne peux le voir, moi qui souhaitais m’enrichir… de son expérience.
Que faire lorsque tu as 36 heures devant toi dans une ville que tu as visitée tant et tant de fois : j’opte pour une promenade sur Charoen Krung, la longue avenue qui essaye de ne pas trop s’éloigner de la Chao Phraya River de peur de se perdre dans cette mégapole. Tu marches sur des trottoirs, véritables pièges à trébuchements, tu avales de bonnes bouffées de dioxyde de carbone, tu franchis des canaux aux eaux troubles, tu longes des façades délabrées qu’un méli-mélo de câbles électriques relie entre elles, tu souffres sous les 37 degrés brumeux de l’après-midi… mais le spectacle des étalages chinois, des rues grouillantes de part et d’autre compense largement ta souffrance… et au bout du bout, tu atteins la sérénité de l’immense bouddha allongé du temple Wat Pho. Puis tu soldes tout ça par un énergique massage thaïlandais qu’un petit bout de femme souriante t’inflige… et qui te remet d’aplomb !
Pour me rendre à Bornéo, j’ai choisi Malaysia Airlines mais le MH 807 de ma carte d’embarquement me fait penser… au vol MH disparu. Même si les contrôles d’accès dans l’avion sont stricts, tu montes dans l’avion à reculons ! Une fois assis, le petit écran devant moi… affiche une sourate du Coran et me suggère de prier. Je change de page et l’itinéraire du vol s’affiche avec indication de la direction et la distance à la Mecque. Certes, l’islam est religion d’état en Malaisie mais un modernisme aussi fondamentaliste me dérange. J’aurais bien sorti mon tapis et prié dans le couloir, mais mon voisin me dit que, dans l’avion, on prie assis, comme lui. J’aurai bien aimé qu’Allah m’indique le lieu où il a rappelé à lui les 239 personnes du vol MH370 du 8 mars 2014 !
J’atterris à Bandar Seri Begawan, la capitale du royaume de Brunéi. Bornéo est partagée entre trois états souverains : le Sarawak des malais, le Kalimantan des indonésiens et Brunei. Ce dernier couvre 0,8 % de la surface, regroupe 2,5% de la population et détient 12% de la richesse de l’île. Le pétrole ça rapporte et ça donne des idées. Son dirigeant, le sultan Muda Hassanal Bolkiah, au pouvoir depuis 1984, vit dans un luxueux palais inaccessible. Petit pays riche mais peu laïque : il pratique la charia. Les règles d'ordre et de propreté sont celles de Singapour avec moins de circulation automobile, des trottoirs larges et sans salissures. Le tour de ville s'effectue rapidement, bercé, de temps à autre, par les appels à la prière du muezzin. Le fleuve Brunei coule au bas de mon hôtel. Sur la rive opposée, l’ancienne ville est construite sur pilotis et les habitations en bois semblent bien entretenues. Ici, les bateaux-taxis sont la curiosité ; ils s'entrecroisent et interprètent un ballet aquatique à la musicalité peu harmonieuse. Dès que l’un de ceux-ci t’aperçoit sur le quai, il se rapproche et fait tourner son index pour t’inviter à embarquer pour un trajet sur l’eau. La mosquée Omar Ali Saifuddien est une pure merveille de marbre blanc. Elle tient un peu du superbe Taj Mahal. Tant en plein jour qu'au coucher du soleil, elle attire l'objectif du photographe. L'étang dans lequel elle se reflète accueille sur ses rives, le soir venu, des dizaines de rickshaws illuminés, non loin de l'Arche commémorative du couronnement de l'actuel Sultan. Cependant, la beauté de Bandar Seri Begawan reste triste.
50 heures de bus pour 1000 kilomètres me séparent de Kuching, la capitale de l’état malais du Sarawak, sur cette île de Bornéo. La route traverse la dense jungle de Bornéo. L’escale d’une nuit à Bintulu fait prendre conscience que la Malaisie a également du pétrole et ça construit à tour de bras avec les financements de chinois dont la présence est démoniaque dans le commerce et l’hôtellerie.
Si Kuching est une très belle ville, le plaisir se situe dans la nature : l’objectif de tout voyageur à Bornéo est de s’enfoncer dans la jungle sauvage. Pour pénétrer la forêt, il faut remonter l’une des nombreuses rivières. Je rejoins le fleuve Bako à hauteur du village du même nom. A cette heure de la matinée, les eaux sont basses et les barques ne peuvent encore naviguer. La visite du village de pêcheurs, de l’autre côté de l’embarcadère, permet de patienter. Il va falloir rester vigilant selon le panneau qui indique qu’il y a eu, ici au Sarawak, 23 attaques de crocodiles et 10 personnes sont décédées lors des deux dernières années. A qui le tour ? Des maisons en bois sur pilotis, dans un piteux état, au milieu de terrains vaseux et emplis de détritus de toute sorte sont éparpillées le long de la rive. Des passerelles permettent de se déplacer un peu partout. Les autochtones s’efforcent d’orner les demeures avec des plantes empotées ou non dans un environnement végétal luxuriant.
Le top départ pour s’enfoncer dans la jungle est donné. Il est néanmoins nécessaire de naviguer de temps à autre au ralenti, en relevant le moteur hors-bord, afin d’éviter de s’envaser. Le débarcadère d’accostage étant inaccessible, c’est pieds nus, dans la vase, que j’atteins la forêt. Enlever/remettre chaussures et chaussettes, ce n’est plus du gâteau pour un aventurier de mon âge !
Toutes ces petites misères sont bien vite récompensées par la rencontre des animaux de la forêt : des macaques à longue queue t’accueillent ! Tiens voilà le sanglier à barbe qui fait une drôle de tronche. Et dans cette mangrove, une vipère verte endormie tachée de points bleus qui n’échappe pas à l’œil d’Alex Wee, mon accompagnateur. Puis là-haut, sautant de branche en branche, une famille de singes proboscis (ou singe nasique), au long nez. Les semnopithèques ne sont pas en reste un peu plus loin : ces singes à coiffe et moustache grise se reposent, également en famille dans les branchages. Tu passes ton temps à écarquiller les yeux pour surprendre un animal. Tiens, en voilà un qui se la coule douce, accroché au haut de son arbre : le Sunda flying lemur, un lémurien vivant exclusivement à Bornéo. Là, le téléobjectif aurait été nécessaire pour t’offrir de belles photos, je fais ce que je peux avec mon smartphone. De superbes Nibong Palm trees, très beaux palmiers, forment des bouquets géants. Mais gare aux arbres pong-pong, leurs fruits empoisonnent et, si tu y gouttes, ton voyage se termine deux jours après. La beauté est dans le risque. Sans risque tout est plat et aseptisé et vivre reste bien terne. On vient de se rapprocher de la vraie vie… un court instant.
pong pong
Les Dayaks sont les tribus indigènes originaires de Bornéo vivant au cœur de la jungle. Elles sont quatre au Sarawak et représentent la moitié de la population. Chacune occupe un espace dans la forêt et, traditionnellement, regroupe ses habitations dans des Longhouses (longues maisons) pour mieux se protéger des attaques. Elles ont pratiqué la chasse aux têtes, un rituel très sérieux vénéré par tous. Après la décapitation d’un membre du clan voisin, le guerrier coupeur de tête devait lutter contre l’esprit qu’il venait de capturer. Puis les têtes, après avoir été fumées, étaient ramenées et cachées dans la Longhouse, où elles y étaient vénérées. Cette coutume, bien qu’interdite au milieu du XIXème siècle, s’est poursuivie discrètement jusqu’à la seconde guerre mondiale. A 60 kilomètres de Kuching, la Longhouse d’ANNAH RAIS abrite plus de 80 familles de l’ethnie Bidayuh. Elle est là depuis cinq siècles. Certes avec le temps, les pratiques traditionnelles se poursuivent dans un contexte modernisé, moins rudimentaire : les plateformes en bambous sont toujours là, les activités agricoles perdurent et… la maison des têtes coupées est toujours en place. Invité dans une famille, j’ai droit à un excellent repas avec menu de la jungle.
Avant d’arriver dans cette longue maison, je m’étais arrêté au cœur de la forêt pour assister au nourrissage d’Orang-outans, espèce très protégée qui vivent librement dans leur milieu naturel. Nous sommes en pleine saison des fruits, ils sont par conséquent moins empressés de répondre aux appels des rangers pour récupérer leur nourriture : je n’en verrai que deux. Extraordinaire spectacle de voltige aérienne en pleine jungle ! S’il y a un coin que j’ai bien envie d’approfondir dans les années à venir, si mes jambes suivent, c’est bien cette île de Bornéo pleine de contrastes.
Yves Lavina (promo 4)
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