Tour du monde de Lavina : 7- Hiva Oa - Les Marquises
Pour nous français, un tour du monde ne peut se réaliser sans passer par la merveilleuse Polynésie Française ! Et là, il y a les adeptes des atolls, Rangiroa, Bora Bora ou tant d’autres. Ces lagons sont un spectacle exceptionnel. Des eaux magnifiquement bleues, de la turquoise au bleu roi, translucides, entourent des motus clairsemés, eux-mêmes couverts de cocotiers qui ne laissent qu’une frange de sable clair en bordure. Difficile à décrire autant de beauté naturelle, il vaut mieux la vivre.
Le temps s’immobilise à Hiva Oa (13/01/2019)
Je l’ai vécue et, pourtant, je ne peux m’imaginer venir dans ces îles sans un pèlerinage aux Marquises, ces îles à la Robinson Crusoé, où repose Jacques Brel. J’ai commencé à aimer le chanteur suite à son premier et avant dernier Olympia, en 1964. Je garde encore l’écho des « jardins du casino » alors que je rentrais d'un voyage dans une Espagne très puritaine.
« Quelques couples protubérants
Dansent comme des escalopes
Avec des langueurs d'héliotropes
Devant les faiseuses de cancan »
Pourtant, cinq ans après, Il arrête son parcours de crooner et s’oriente vers d’autres aventures dont le cinéma.
En compagnie de son amie Madly Bamy, le chanteur belge traverse mers et océans pour effectuer le tour du monde sur son voilier, l’Askoy. En novembre 1975, il accoste sur les rives d’Hiva Oa, cette île de l’archipel des Marquises. Brel s’amourache rapidement des lieux et des habitants et, grâce à son avion baptisé Jojo, il effectue différentes missions humanitaires au profit des îliens ; il installe aussi à ses frais un cinéma pour les enfants de l’île ! Mais malheureusement pour lui (et pour nous), un cancer lui ronge les poumons et, après un court passage à Paris où il enregistre, dans un dernier souffle, ses ultimes chansons, Brel décède le 9 octobre 1978. Son corps est enterré au cimetière du Calvaire… à trois tombes de Paul Gauguin, ici sur les hauteurs d’Atuona, la capitale de l’île.
Ici, 40 ans après, peu de monde, pratiquement personne, ne se souvient de lui. J’envie sa tombe, là-haut au bout de la route qui monte près de la croix qui surplombe la ville ! Pour reposer ici, cela vaut la peine de mourir ! Seuls quelque rares fans viennent depuis l’Europe pour lui rendre hommage sur sa sépulture. Celle-ci est mal entretenue, une végétation abondante est en train de l’envahir. L’espace Brel en bas, en bordure d’océan, diffuse ses chansons de façon continue : autour de Jojo, images et écrits permettent de revivre l’homme et sa philosophie de vie, lui qui est décédé si tôt ; ce hall se dégrade d’année en année : six ans depuis ma précédente visite et les vitres opacifiées rendent de plus en plus difficile la lecture des messages profonds laissés par l’énorme artiste.
« Un homme, c’est fait pour être mobile. Un homme c’est fait pour bouger. Ce n’est pas fait pour s’arrêter. C’est fait pour continuer et pour mourir en mouvement éventuellement. Tout le malheur vient toujours de l’immobilité. On use les choses en étant immobile. »
De son côté, dans sa maison du Jouir à Hiva Oa, Gauguin écrivait : « Je pars pour être tranquille, pour être débarrassé de l’influence de la civilisation. Je ne veux faire que de l’art simple ; pour cela j’ai besoin de me retremper dans la nature vierge. »
J’ai rencontré la femme de ménage de Jacques Brel qui s’occupait de son chez lui au plus fort de la maladie : elle a 85 ans et ne parle que le marquisien ; sa fille Nita, qui avait 4 ans à l’époque, se souvient davantage des cadeaux que lui faisait Madly que du grand Jacques. La maison cédée à un marquisien a été complètement réformée et n’a rien à voir avec celle occupée par l’artiste entre 1975 et 1978. Pour preuve que la mémoire de Brel est en voie d’extinction, Nita me dit : « Elles ne sont pas belles ses chansons ! ». Je lui réponds qu’il a chanté son île avec une poésie inégalable, sans pourtant être accompagné du Ukulélé.
En fait, les gens d’Hiva Oa sont aujourd’hui beaucoup plus préoccupés par l’arrivée du Taporo, ce cargo ravitailleur de l’île qui passe deux fois par mois pour apporter le nécessaire. Ce jour-là, l’unique souci des îliens est d’aller chercher son colis ou sa palette sur les quais, là-bas en face, de l’autre côté de la baie d’Atuona.
Le souvenir des gens bien s’estompe, seul subsiste la beauté naturelle et la nécessité de survivre.
Yves Lavina (4)
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