Tour du monde de Lavina : 11- Pondichéry et Madras
Pondichéry et Madras – De l’imaginaire à la réalité - mars 2019
Pondichéry m'a toujours fait rêver, tout comme Zanzibar, Valparaiso, Vladivostok, Tahiti...
De plus, j’ai souvenance des annales du bac qui reprenaient les sujets proposés ici, elles avaient un parfum d'ailleurs à l’heure des révisions. Passer de l’imaginaire à la réalité, m’y voici !
Une fois libéré des embouteillages, à la sortie de la station de bus, le gymkhana engagé par notre chauffeur est digne des meilleures poursuites policières filmées : ce type a une conduite suicidaire et je passe un sale moment, les fesses serrées. Krisna Prasad, jeune étudiant, est assis à mes côtés : il parle un anglais extrêmement difficile à déchiffrer, mais cette difficulté soulage l’anxiété qui m’a gagnée. Et… après quelques 500 coups de klaxon sur 175 kilomètres… nous arrivons, entiers, à destination.
Pondichéry (devenue Puducherry) m'accueille avec des nuées de corneilles noires, oiseau désagréable s’il en est, au croassement lugubre : cela gâche le séjour dans une ville si agréable. Les quartiers sympas se situent surtout dans la zone coloniale, dite blanche, en bordure du golfe du Bengale. La nostalgie me gagne avec ses rues bordées d'arbres, aux noms français, ses villas et ses boutiques haut de gamme. Je m’installe dans un petit hôtel où Christopher m'accueille avec un français impeccable ; bâtiment modeste et vieillissant, auquel la propriétaire, par sa décoration, a redonné beaucoup de charme.
Le parc Barathi ombragé est au bout de la rue Suffren, la rue de mon hôtel. Il est envahi en cet après-midi par des passants aux multiples croyances : tamouls, chrétiens, musulmans, hindouistes... Une nana s'entraîne au hula hoop. Les autres se prélassent sur l'herbe ou sur les bancs.
En soirée, sur la promenade Goubert qui longe le bord de mer, des centaines de marcheurs, dans un sens et dans l'autre, profitent des derniers instants de fraîcheur pour faire un peu d'exercice. La brume est dense à l'horizon, demain on n’aura pas une aurore resplendissante.
Un gars tient à faire un selfie avec moi devant le beau monument à Gandhi. Non loin, un mur commémore en photos Georges Clémenceau à l'occasion du centenaire de l'armistice de la Première guerre mondiale. Si loin de chez nous, ça fait chaud au cœur. Un peu en retrait un mémorial est consacré aux pondichériens morts pour la France.
Les hindous ont l'art des couleurs : ces peintures sur supports divers, exposées à l'occasion d'un campement sur le dépistage du glaucome, sont saisissantes de vérité : Gandhi, Mère Theresa et Abdul Kalam, seul président d'Inde issu de cette région du Tamil Nadu, y trônent.
J’aurai beaucoup marché en cette première journée : Manakula Vinagayar (Ganesh temple), Basilique du Sacré cœur, Immaculée cathédrale… Alors que je m’installe en terrasse pour dîner très vite les moustiques me dévorent ; je fais fissa pour rejoindre la moustiquaire dans ma chambre.
Les croassements des corneilles viennent interrompre mon sommeil aux premières lueurs du jour. On m'a dit que le lever de soleil est magnifique ici sur la baie. J’y vais. En ce matin, une centaine d'enfants et adolescents, de noir et vert vêtus, est installée sur l'esplanade en bord de mer pour un yoga collectif. Le bonheur en Inde n'est pas dans le pré mais dans le Yoga et la méditation. Et puis, le soleil apparaît haut dans le ciel derrière l'effigie de Gandhi, j’ai vu mieux. Quelques sportifs courent sur la bande de sable derrière les rochers pare-vagues de la digue. Les corneilles sont là aussi. Le jour est bien levé maintenant, il est temps de prendre le bus pour Madras.
Madras (devenue Chennai) compte sept millions d’habitants : ça pullule dans la quatrième métropole de l’inde, en bordure du golfe du Bengale, dans l’état du Tamil Nadu, une des régions les plus peuplées du pays. Je marche seul dans la ville afin de me rendre au temple Kapaleeshwarar, sans assistance, à pied, un plan à la main : trafic chtonien, situations méphistophéliques, balade démoniaque… dans une ville où la cohue et l’indiscipline te malmènent. Pourtant, j’aime ce monde chaotique qui met de la distance avec notre ronron occidental : ici, la survie est partout.
Le temple majestueux Arulmigu Kapaleeshwarar, du nom du seigneur qu’il idolâtre, est l'un des sanctuaires sacrés du Tamil Nadu. Il s'agit d'un temple dédié à Lord Siva et à la déesse Karpagambal. C’est un ancien temple datant du VIIème siècle et, en ce samedi, il est très concouru. Ah, ça me change des églises et des mosquées !
Plus qu’une religion, l’hindouisme est une famille de religions et, de ce fait, s’avère extrêmement difficile à déchiffrer. Il n’existe pas d’« être » Dieu. On croit au Brahman, qui est un « principe divin », une réalité suprême en trois volets : Brahma le créateur, Vishnu le Protecteur, et Shiva le destructeur. L’hindouisme fonctionne avec un système de quatre castes, très ancrées dans les mentalités : les Brahmins, honorés par tous, les Kshatriyas, les gouvernants, les Vaisyas, les artisans, les Sudras, les serviteurs. Et puis il y a les hors caste, les parias qui sont réprouvés et exclus de la vie sociale et religieuse. L’homme passe par une série d’existences et enchaîne les réincarnations. Si tu es dans une condition misérable, c’est que tu n’as pas été bon, dans tes vies antérieures et tu payes les conséquences de tes fautes dans la vie présente. Le but est d’accomplir suffisamment de bons karmas pour sortir de la spirale de la misère et cela passe par 3 choses : effectuer des actes vertueux, pratiquer le yoga et te dévouer à une divinité particulière. Ainsi au bout du bout des vies successives, tu entres dans le moi cosmique et rejoint le Brahman. A titre perso, je suis mal parti pour atteindre le Brahman ! Mais ces vies successives ne sont pas pour me déplaire.
La pagaille partout, à Madras la circulation est d'une insensée anarchie. Peu de trottoirs en bon état et lorsqu'ils le sont, les émanations d'urine te saisissent. Odeurs nauséabondes d'eaux putrides de-ci, de-là. Un homme défèque et pisse, debout, là sur la chaussée. J'enjambe un être allongé, le sourire édenté. Ça n'arrête pas de klaxonner, le bruit est infernal. Je marche plutôt sur les bords poussiéreux de la chaussée, les véhicules me frôlent mais ne me touchent pas, ils me respectent tout comme ils respectent … les vaches sacrées. Je fais partie du flot circulatoire. J'ai ainsi acquis la technique pour traverser : surtout ne pas attendre qu'on stoppe pour te laisser passer, tu te lances dans le flot de véhicules et ils zigzaguent pour t'éviter. Je fais les trois kilomètres qui me séparent de la plage dans ce chaos si difficile à décrire tellement il est irréel. L'Inde, c'est ça : chacun pour soi, ne t'occupes pas de l'autre. Regarde bien où tu mets le pied, surtout ne trébuche pas, personne ne viendra t'aider.
La plage urbaine de Marina Beach est l'une des plus longues du monde (13 kilomètres) mais rien à voir avec la belle carioca qu'est Copacabana. Pas de fesses rebondies délimitées par un string à peine discernable. Les tenues ici sont celles de la ville, on garde ses chaussures, pour avancer dans le sable pollué, et ses vêtements pour se baigner dans les rouleaux de l'Océan Indien. Cette plage est une immense arène de jeux et de farniente où l'on vient le dimanche en famille.
Une belle largeur de 100 à 200 mètres ensablés, sur laquelle on trouve davantage de spectateurs et de promeneurs que de nageurs : il est vrai que cette eau n'est pas très appétissante tant par sa couleur, les éléments qui y flottent, que par la tenue des baigneurs. Les gamins plongent en caleçon de bain mais les autres font trempette, tout habillés. La surveillance de la baignade est assurée par des cavaliers qui se déplacent au galop. Des vendeurs ambulants s'annoncent en soufflant dans un coquillage.
Je crois que j'ai bien fait de troquer mon maillot de bain pour un appareil photo !
Yves LAVINA (4)
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