Portrait d'un Lotois de la 13ème
Je vous propose dans ce BIL le portrait d’un énisard de la13ème promotion qui a eu et a toujours un parcours intéressant etvalorisant. Il s’agit de Jean-Claude Maillard, aujourd’hui président de Figeac Aéro, une entreprise d’environ 2000 employés, en général bien connue des énisards.
« En juin 1979, j’ai été diplômé de l’ENIT.
Comme c’était obligatoire, j’ai passé un an à l’armée avant de devoir faire face au monde du travail. La crise n’était pas aussi prononcée qu’aujourd’hui, mais il n’était déjà pas évident d’avoir un poste dès le diplôme obtenu. Par précaution, j’ai passé les concours pour l’enseignement, que je n’ai (heureusement) pas eu. J’ai alors postulé dans une trentaine d’entreprises et pour finir par j’ai accepté la première réponse positive.
En septembre 1980, mon premier emploi fut à la SITA à Paris, aujourd’hui Suez Environnement. L’activité principale était la fabrication de bennes et la collecte des ordures ménagères. Mais je suis originaire du Lot, alors quand j’ai obtenu une réponse positive d’un poste chez Forest en Aveyron, j’ai sauté sur l’occasion pour me rapprocher du pays de mon enfance. En novembre 1980, me voilà dans une entreprise aveyronnaise de machines outils principalement pour l’aéronautique.
Après un an de formation pour connaître les machines-outils au vu d’une fonction commerciale, j’avais acquis de nouvelles compétences techniques qui allaient m’être très précieuses ultérieurement.
Mais le service commercial était en restructuration, le rythme de travail était peu soutenu et j’ai fini par rapidement m’ennuyer. Cette expérience m’a toutefois donné le goût de la machine-outil et m’a permis de connaître en profondeur ce domaine.
En juillet 1983, Ratier, équipementier aéronautique à Figeac, a décidé de développer un nouveau produit : les vis à billes. Le but était de conquérir le marché de la machine-outil. J’ai alors été embauché pour la commercialisation.
Cette diversification n’a pas fonctionné et la vente a cessé en 1985. Il n’est pas facile pour un équipementier de l’aéronautique de s’adapter aux nombreuses contraintes de l’industrie. Je suis donc devenu disponible pour d’autres opportunités.
La direction de Ratier m’a alors confié la responsabilité du service commercial, que j’ai prise avec plaisir. J’étais en contact avec les clients tels que Dassault, Airbus ou Snecma. La connaissance du produit pour sa vente était indispensable, et je maitrisais les aspects techniques. Le travail me plaisait.
En 1987, j’ai eu envie de me mettre à mon compte. J’ai d’abord pensé racheter à Ratier son stock disponible de vis à billes suite à l’arrêt de la vente du produit. C’est à ce moment-là que j’ai pris ma première leçon de vie par le banquier. Les capitaux à apporter pour racheter cette activité étaient très importants. Je suis allé demander au banquier un prêt de 20 millions de francs avec un apport personnel de 10 000 francs.
Le banquier m’a dit une chose qui m’a servi dans mes futures expériences : « Un banquier qui a confiance prête les deux tiers de ce que vous avancez ». J’étais loin du compte.
Ce que je me disais à l’époque c’est que l’ENIT ne préparait pas bien à la création d’entreprise. Mais depuis les choses ont apparemment changé puisque des cours ont été mis en place. Ma seconde tentative a été de reprendre une entreprise en difficulté à Tarbes. Elle était prête à déposer le bilan. Je l’ai visitée, puis je me suis rendu compte que même si j’avais les moyens financiers de la racheter, je n’aurai pas le capital nécessaire pour la faire repartir. Finalement j’en ai conclu que pour démarrer avec un petit budget, il fallait que je monte ma propre entreprise avec un faible investissement. Il me fallait une idée qui génèrerait peu d’investissement. A cette période, j’étais en contact avec Bernard Lavergne, énisard de la 13ème également, qui est aujourd’hui vice-président supply chain, logistics & transport à Airbus. Il m’apprit qu’Airbus avait du mal à soustraiter de la tuyauterie aéronautique en aluminium. J’ai alors proposé de créer une société sous-traitante pour fabriquer cette tuyauterie avec les quelques personnes d’Airbus qui connaissaient déjà cette activité, le but étant de s’installer dans le périmètre pour que la proximité crée une synergie. Les trois personnes compétentes étaient motivées pour monter l’entreprise, mais chacune voulait 25% des parts. Je souhaitais être à mon compte. De plus les trois personnes étaient amies et il y avait un risque qu’elles fusionnent et m’éjectent un jour. J’ai préféré m’écarter du projet et ne pas courir ce risque.
En 1988, les charges dans l’aéronautique s’annonçaient à la hausse. Si je voulais créer mon entreprise, c’était le moment.
Je travaillais toujours chez Ratier à cette époque et le carnet de commandes allait exploser dans un futur proche. Voyant l’augmentation de cadences approcher et les moyens disponibles chez Ratier, j’ai proposé à ma direction de sous-traiter une partie de sa production dans ma future nouvelle entreprise à Figeac, experte en aéronautique : Figeac Aéro. Ainsi, je montais mon entreprise et je prenais en charge une partie du volume de la charge à venir. Ratier serait allégé d’une activité à moindre valeur ajoutée et pourrait se concentrer sur son coeur de métier. Les activités de Figeac Aéro seraient de l’ajustage, du montage et de l’affûtage. J’ai pu créer Figeac Aéro avec un capital raisonnable, car pour ce type d’activité, l’investissement n’est pas élevé. Ratier a pu sous-traiter du travail à proximité de son usine à une entreprise qui connaissait déjà le métier. Dès la première semaine j’ai contacté Airbus qui m’a tout de suite donné des travaux d’ébavurage. A l’époque, Airbus avait plus d’une centaine de sous-traitants par usine, alors qu’aujourd’hui nous sommes seulement une petitevingtaine. Il était alors facile de devenir sous-traitant d’Airbus mais le challenge a été de le rester. Il a fallu rapidement investir tous les bénéfices dans l’entreprise pour augmenter sa taille et ne pas être exclu de la sous-traitance d’Airbus. Une fois Airbus dans le portefeuille clients, beaucoup de portes se sont ouvertes. Le nom d’Airbus m’a permis de conquérir des marchés étrangers. C’était une carte de visite.
En juin 1989, j’ai investi dans une première machine à commande numérique pour répondre aux besoins d’Airbus. C’était une machine d’occasion peu performante, mais suffisante pour réaliser les premières pièces et être référencé. Pour faire face à la concurrence, Figeac Aéro devait cependant s’équiper rapidement de façon plus performante. D’autres entreprises étaient implantées sur le marché depuis plus longtemps et il fallait rattraper le retard. J’ai alors investi dans une machine à usinage grande vitesse dans l’aluminium.
Cette technologie de pointe a permis à Figeac Aéro de devenir compétitive. Les gains ont tous été réinvestis.
De 1993 à 2001, entre reprises de sociétés et création de filiales, le groupe Figeac Aéro a grandi et s’est imposé sur le marché aéronautique. Une filiale a même été créée à Wichita dans le Kansas en 2014 ainsi que des filiales low-cost en Tunisie, au Maroc et au Mexique.
En France, un diplôme d’ingénieur permet d’ouvrir beaucoup de portes. D’après moi, un ingénieur ENIT est plutôt un ingénieur de fabrication destiné à gérer des équipes d’atelier. Mais ce n’est pas une généralité absolue. Le diplôme m’a au moins permis d’avoir un minimum de crédibilité, d’être reconnu. Il a été plus facile de gagner la confiance de mes partenaires dès lors que j’annonçais venir d’une école d’ingénieurs. Le plus du diplôme ENIT est sa formation technique solide. Pour créer une Société de sous-traitance aéronautique, il est très utile d’avoir des connaissances générales mécaniques. Cela permet une vision globale. Au départ de la création de son entreprise, on ne peut pas confier n’importe quelle tâche à n’importe qui.
On doit s’y connaitre techniquement pour savoir avec qui travailler, ce qui doit être fait et parfois faire soi-même. Même si j’estime ne pas m’être servi du réseau, je pense que c’est quand même un bon outil pour créer de la dynamique, pour chercher des aides. Un des réseaux le plus fort en France est celui des Arts et Métiers qui est très puissant dans l’industrie, très solidaire.
Le réseau ANIENIT est plus petit mais il n’a pas non plus la même ancienneté.
Aujourd’hui, je suis satisfait d’avoir eu le courage de monter une société. Ce n’était pas facile de le faire à l’époque et ça ne l’est pas plus aujourd’hui ; J’ai osé le faire, je n’ai rien lâché. Satisfait aussi d’avoir profité d’une conjoncture favorable dans l’aéronautique et exploité au maximum cette opportunité. Si j’ai un conseil à donner, c’est de ne pas hésiter à se jeter à l’eau. Ce n’est pas si compliqué de monter une entreprise. Pour ma part j’ai trouvé plus difficile de réussir mon parcours scolaire que de me mettre à mon compte. Les données clefs pour réussir sont un secteur propice pour mettre toutes les chances de son côté et l’envie. Il faut s’accrocher, ne rien lâcher et la réussite est au bout. Il ne faut pas être inhibé par la peur. Si vous avez envie d’être autonome, à votre compte, il faut vous lancer, sinon vous regretterez de ne pas l’avoir fait. Mieux vaut ne pas vivre avec une frustration qui grandit au fil du temps. Avoir fait le pas et créé mon entreprise en partant de rien me rend aussi fier que la réussite de Figeac Aéro aujourd’hui. Il ne faut pas croire que si on a réussi, c’est parce qu’on est meilleur que les autres. J’ai été dans le ventre mou de l’ENIT pendant toute ma scolarité, à tel point que je commençais à douter de mes capacités. Mais ça ne m’a pas empêché de monter mon entreprise. Si ça marche c’est fabuleux, si ça ne marche pas c’est fabuleux aussi parce qu’on a osé le faire. »
Jean-Claude MAILLARD
13ème promotion
Président de Figeac Aéro
Aucun commentaire
Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.