La petite histoire de l’open space
Adopté en masse au milieu du XXe siècle, l’open space n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux nouveaux besoins des salariés… et de leurs employeurs. Genèse, actualité et futur des “espaces ouverts”.
1906 : Inauguration à New York du premier ensemble de bureaux modernes
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les premiers immeubles dédiés aux activités administratives sortent de terre à New York, Chicago ou Londres. À New York, le Larkin Administration Building, avec son atrium géant et la rareté de ses cloisons (et ses toilettes suspendues !), devient le symbole d’une nouvelle conception du travail – de moins en moins manuel. Si l’architecte Frank Lloyd Wright s’inspire du gigantisme des cathédrales pour des raisons esthétiques, les espaces sans murs ainsi créés permettent de faciliter la supervision et le contrôle des employés par leurs managers…
Années 1950 : Les frères Eberhard et Wolfang Schnelle imaginent le “bureau paysager”
Dans l’esprit de ces deux consultants allemands, il s’agit d’espaces généreux, sans cloison, agrémentés de nombreuses plantes vertes et destinés à favoriser la communication au sein de l’entreprise. Le mobilier, plus léger, devient confortable et standardisé ; ce qui constitue un progrès évident à une époque où s’asseoir confortablement est encore synonyme de… paresse, et où, selon son statut social dans l’entreprise, on ne dispose pas du même type de chaise !
1958 : L’architecte Mies Van Der Rohe dessine le Seagram Building à New York
Dans ce gratte-ciel bronze posé sur une place en granit à Midtown (New York) vont éclore les open spaces à la Mad Men. Permettant d’augmenter la superficie des bureaux à faibles coûts, favorisant la collaboration et le travail en projet, ils sont une réponse toute trouvée à l’explosion de l’économie de service… Des critiques se font entendre contre leur uniformité et leur manque de personnalité.
1968 : Le designer américain Robert Probst imagine le ”cubicle”
Le nom de cette invention sonne définitivement mieux en anglais qu’en français : poste de travail modulaire… Il s’agit en fait d’un bureau à cloisons amovibles d’environ 1m50 de haut qui autorise un peu de calme au salarié tout en lui offrant une vue d’ensemble sur les bureaux de ses collègues quand il est debout… Pour la petite histoire, son concepteur aurait renié sa création sur son lit de mort ! Il reprochait aux lois du marché d’avoir transformé son “action office” adapté aux besoins des travailleurs en… boîte à sardines.
Selon l’architecte néerlandais Herman Hertzberger, grâce à cet espace “les employés peuvent avoir le sentiment d’appartenir à une communauté plutôt que d’être perdu dans la foule”. Pour cela, il conçoit un espace résolument flexible, constitué d’une multitude d’espaces de même superficie, formant des îlots connectés entre eux. Répétés à l’identique dans tout l’espace, ils peuvent accueillir des groupes de dix personnes qui sont encouragées à décorer leur espace de travail avec leur mobilier personnel.
Années 1980 : L’âge d’or de l’open space
Les films Working girl ou Wall Street reflètent bien cette obsession managériale de l’open space propre aux eighties. Petites et grandes entreprises installent les salariés dans d’immenses plateaux décloisonnés, facilement réaménageables en fonction des flux de commandes ou de la nécessité de réorganiser le travail d'équipe. Autres avantages mis en valeur par leurs défenseurs : l’accès à la lumière, la facilité des déplacements et l’aplanissement de la hiérarchie.
Années 2000 : Vers un open space libéré ?
Jardin tropical, mur d’escalade, tisanerie, feu de cheminée, cours de yoga, gros poufs moelleux… Dans les entreprises de la Silicon Valley où sont conçues l’iPhone ou les applis de demain, l’espace de travail se doit d’être agréable pour aider le salarié à innover, et renoue (parfois, pas toujours) avec la chaleur humaine. À l’heure du coworking et de la mobilité, le bureau ressemble de plus en plus à un logement, avec wifi partout et possibilité de poser son laptop n’importe où selon son humeur ou son inspiration.
2015 : Inauguration de MPK20, ”le plus grand open space au monde”
40.000 m2 de superficie globale, 36.000 m2 de jardin, 400 arbres pour… 2.800 employés. Il fallait au moins cette démesure pour accueillir le siège de Facebook à Menlo Park, en Californie. L’objectif du bâtiment – un énorme parallélépipède voulu par Mark Zuckerberg et imaginé par l’architecte star Franck Gehry – est de faciliter les déplacements et la collaboration entre les gens : “Lorsque vous entrez dans notre bâtiment, explique le fondateur du réseau social aux 2 milliards d’abonnés, nous avons envie que vous réalisiez le chemin qu’il reste à parcourir dans notre mission de connecter le monde”.
2018 et + : De l’open space au multi space
L’open space n’en finit pas de se réinventer… Dans le multi space, à côté des traditionnelles salles de réunion se multiplient désormais les espaces dédiés à des activités précises. Qu’il s’agisse de prendre un café dans un corner café chaleureux, téléphoner, déjeuner ou s’accorder une pause, les salariés n’ont que l’embarras du choix et peuvent organiser une réunion debout, assis ou même, pourquoi pas, allongés dans de grands canapés, voire des lits… Kwerk, un espace atypique installé depuis peu dans le 8e arrondissement de Paris, conçu par Albert Angel et Lawrence Knights, a même réussi à vaincre les réticences tricolores envers l’open space avec cette recette du bien-être.
Source: Capital et Management
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