Dossier formation: MBA, se préparer à diriger dans un monde mouvant
Excellents leviers pour accélérer sa carrière et monter en compétences, ces formations mènent à des postes à responsabilité. Une promesse tenue grâce à de solides services carrières et aux efficaces réseaux d'alumni.
Investir en soi avant tout. Tel est le credo des diplômés de MBA et d'Executive MBA (EMBA). Un credo renforcé par la crise sanitaire. « Cette période a fait réfléchir bon nombre de cadres et remis en question les certitudes, analyse Stéphane Canonne, directeur de l'executive education à l'Edhec. Se former permet de reprendre en main son parcours. » Résultat : sur ce marché stable et très concurrentiel, un regain d'intérêt se fait sentir depuis quelques mois. « En 2020, les candidatures étaient en hausse de 58 % pour le MBA », assure la directrice des admissions de l'Insead, Virginie Fougea. HEC Paris a, de son côté, ouvert une classe supplémentaire en janvier 2021.
Choisir le bon timing
Conçu pour accélérer une carrière, le MBA à temps plein s'adresse prioritairement à des cadres autour de la trentaine, avec de trois à cinq années d'expérience professionnelle. Il dure une année en Europe, contre deux ans en général dans les universités anglo-saxonnes. Les EMBA, à temps partiel, sont destinés à des cadres plus expérimentés, qui approchent ou dépassent les 40 ans. Néanmoins, cette segmentation s'avère plus souple qu'auparavant. La raison ? Les participants financent de plus en plus par eux-mêmes ces formations par le biais d'un emprunt et/ou de l'épargne, et choisissent la formule la plus adaptée à leur projet. Behrooz Sabaei, 36 ans, diplômé 2020 de l'international MBA de l'ESCP, a ainsi profité d'un licenciement économique pour financer en partie sa formation et a choisi de la faire sur un format temps plein : « Je pensais faire un MBA ou un EMBA depuis deux ou trois ans. Le monde change à une vitesse incroyable, il me semblait nécessaire de me remettre à niveau après mes études d'ingénieur et de posséder une vision globale de l'entreprise. Ce licenciement a été une opportunité. »
Si la crise accélère la prise de décision, il s'agit cependant d'identifier le moment propice pour se lancer dans un MBA en vue de gravir les échelons. L'investissement en temps et en argent - ces programmes coûtent entre 20 000 et 200 000 euros - nécessite de mûrir son projet. « Les participants veulent changer de vie, faire évoluer leur situation personnelle et professionnelle : progresser en séniorité dans l'organisation, changer de pays ou de secteur d'activité , souligne Stéphane Canonne. L'entrepreneuriat est également davantage présent dans les motivations. »
Réinventer le leadership
Briser le plafond de verre et s'installer en Allemagne sont les deux motifs qui ont conduit Véronique Gaillardet à s'inscrire à l'Executive MBA conjoint entre l'Essec et Mannheim Business School. « J'étais bloquée sur le même type de poste de responsable commerciale depuis plusieurs années. La formation nous donne une vision à 360 degrés de l'entreprise et nous apprend à diriger » , estime cette quasi quinquagénaire diplômée en 2020. Elle est responsable depuis février d'une filiale de douze personnes dans l'équipement de protection individuelle en Allemagne. Elle en est convaincue :
« Je n'aurais jamais eu cette opportunité sans l'EMBA. » En particulier, le fait d'avoir suivi le programme en partie dans le pays qu'elle visait a été un atout. Le service carrières l'a notamment aidée à adapter sa candidature aux procédures de recrutement outre-Rhin.
Les écoles de commerce ont ajusté leurs programmes à la crise sanitaire et économique. Outre les traditionnels cours de marketing, finance et comptabilité figurent en bonne place la gestion de crise, la digitalisation de l'économie ou la responsabilité sociale de l'entreprise. « La pandémie devient une étude de cas permanente de la manière dont les décisions sont prises en temps de crise et d'accélération de la digitalisation » , pointe Andrea Masini, directeur délégué des MBA à HEC Paris. Les programmes renforcent également leurs enseignements autour du leadership.
« Dans un monde de plus en plus numérique, le management top-down ne fonctionne plus. Il faut apprendre à coordonner, à impulser et à susciter de l'engagement à distance et dans des univers multiculturels » , détaille José Ignacio Gafo, doyen associé à l'IE Business School de Madrid.
La connaissance de soi, la prise de recul et toutes les compétences humaines prennent aussi de l'importance. Neoma Business School a ainsi ajouté un module autour de la résilience. « Lors du séminaire d'intégration, ce stage fait travailler les élèves sur eux-mêmes, leur gestion du stress, leur confiance en eux pour qu'ils se connaissent mieux » , explique Olivier Lefaivre, directeur du Global Executive MBA.
Mais le plus grand bond qu'ont fait les MBA avec la crise sanitaire est celui de la flexibilité et du blended learning , ce mélange de cours en distanciel et en présentiel. Ils ont dû s'adapter aux confinements, aux reports de formation, aux difficultés de voyager, et ont investi, selon les cas, dans un campus virtuel ou des dispositifs de classes hybrides. A l'IE, à Madrid, dont le Global online MBA est classé parmi les meilleurs programmes de ce type du monde, on parle désormais de liquid learning. « Les participants doivent pouvoir choisir quelle partie du programme ils veulent faire en ligne et quelle autre ils souhaitent suivre sur le campus. A nous de pouvoir leur fournir les deux possibilités » , estime José Ignacio Gafo.
Constituer des réseaux
Des formules qui vont prendre de l'ampleur dans les prochaines années. « Le télétravail est entré dans les mœurs, affirme Jean Charroin, directeur de l'Essca, qui ouvre un International Executive MBA avec Antwerp Management School à l'automne 2021. Nous sommes obligés de réfléchir à une offre mixte, même si la majorité des cours auront lieu en présentiel. » Une souplesse qui intéresse les candidats. Olga Sukha a choisi l'EMBA de Skema pour son alternance de semaines en résidence et de cours en ligne :
« J'avais trois enfants en bas âge et un emploi. C'était le bon format pour combiner vie professionnelle, familiale et étudiante ».
La crise sanitaire ne fera pas disparaître les campus pour autant. Les échanges et les rencontres entre participants présentent l'un des points forts des MBA, avec l'idée de se constituer un réseau. Il fait souvent la différence sur le marché de l'emploi, surtout en période de difficultés économiques. Mais si ce réseau peut se consolider à distance grâce aux travaux en groupe sur Internet, rien ne vaut malgré tout le face-à-face. Thomas Nivard en a fait l'expérience lors son MBA à l'Insead, pendant cette drôle d'année 2020 : « J'ai rencontré beaucoup de personnes de ma promotion pendant les premiers mois du programme, entre janvier et mars 2020. Avec le confinement, on s'est ensuite soudés à distance sur ce qu'on avait construit. » La puissance du réseau est d'ailleurs un critère primordial dans le choix de la formation : certains candidats préfèrent parfois des programmes plus prestigieux, même s'ils sont plus chers, pour maximiser leur expérience. Audencia travaille à renforcer cette dimension en rapprochant les réseaux de ses programmes MBA et EMBA à travers le dispositif MBA Community. « Il s'agit de créer des passerelles entre les deux populations et les deux types de formation pour enrichir les expériences des uns et des autres » , détaille Catherine Chassanite, chargée de ces programmes à l'école nantaise. Cela passe, notamment, par des cours communs, des webinaires et des rencontres.
En ces temps incertains, les écoles s'emploient aussi à renforcer leur support aux participants, au premier rang desquels le service carrières. Un coaching personnalisé est le plus souvent prévu. Behrooz Sabaei en a bénéficié à l'ESCP. « Quand on travaille depuis plusieurs années dans la même entreprise, on peut être déconnecté du marché. Il faut comprendre la demande et adapter ses candidatures. Le service carrières m'a aidé à faire ce lien » , raconte ce diplômé des Arts et Métiers. Après une première vie professionnelle comme ingénieur qualité, il se voyait bien entrer dans le conseil avec son MBA, mais ce coaching lui a fait revoir ses plans. « J'ai pris conscience que j'avais besoin d'un métier où je serai en contact permanent avec des équipes » , souligne-t-il. Behrooz Sabaei a rejoint le programme Path ways d'Amazon, consacré aux titulaires de MBA, en tant que manager des opérations. Il a eu connaissance du dispositif par le biais d'un alumni et a signé son contrat en mai 2020, avant la fin de son cursus. Tous les diplômés n'ont pas des trajectoires aussi fulgurantes, mais l'entraide joue à plein pour ouvrir des portes
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