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08 novembre 2022

Secteur aérien : la sobriété avant la neutralité

Publié par Pierre Thouverez | Technique

 Déjà sous pression depuis le début de la crise sanitaire, le secteur aéronautique doit relever le défi de la neutralité carbone, d'ici à 2050, pour sortir de l'ornière.


 

L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) a annoncé, le 7 octobre, la signature par 193 pays d’un accord visant à atteindre la neutralité carbone dans les transports aériens à l’horizon 2050. Une annonce qui ne satisfait pas les ONG, elle dénoncent l’aspect juridiquement non contraignant de cette ambition. 

Rappelons que les émissions du secteur aérien en termes de CO2 sont de l’ordre de 3% des émissions mondiales. Cependant, le secteur aérien est montré du doigt depuis plusieurs années, et doit aujourd’hui faire sa mutation. Dans un premier temps, c’est la répartition de ces émissions qui fera probablement l’objet d’ajustements : en effet, 50% des émissions de C02 imputables au transport aérien proviennent d’1% des voyageurs qui se déplacent le plus. C’est une étude relayée par The Guardian qui le révèle. Stefan Gössling, chercheur au sein de l’université suédoise de Lund qui a mené l’enquête, explique : « Si on cherche à résoudre la crise climatique, il faut commencer par le haut. Il y a ce qu’on pourrait appeler des supers émetteurs, qui contribuent massivement au réchauffement actuel ». En résumé, le secteur aérien va devoir trouver une solution pour limiter les émissions de ses plus gros clients.

A côté de cela, la mutation vers une transport aérien neutre en carbone, même si elle reste floue pour le moment, va devoir prendre forme. Cela va prendre du temps, comme le précise Augustin de Romanet, le PDG du groupe ADP : « il faut laisser au transport aérien le soin de réaliser la mutation qu’a réalisé l’automobile par exemple ». Tout en appelant à un usage plus responsable des transports aériens : « Il est de la responsabilité de ceux qui peuvent faire le choix du train plutôt que de l’avion de faire ce choix, ou éventuellement de renoncer à tel ou tel voyage qui serait inutile ».

La sobriété avant la neutralité

Il y a donc aujourd’hui, dans le transport aérien, un basculement vers un usage raisonné de l’avion. Il est certain que la capacité du secteur à maîtriser la croissance du trafic dans les années à venir dictera sa capacité à fonctionner avec plus de sobriété.

Pour la suite, différents scénarios existent : l’avion à hydrogène, dont Airbus a fait une de ses priorités; les carburants alternatifs, choix stratégique de Boeing; l’avion électrique, qui se développe rapidement, pour les petits modèles… difficile de savoir de quoi sera fait l’aviation de demain. Peut être d’un mélange de ces technologies. 

La tendance va vers une réduction de la taille des avions, ce qui permet de proposer une autonomie respectable. Les modèles d’avions de moins de 10 places, possédant des motorisations électriques ou hybrides, pourraient donc fortement se développer dans les années à venir, pour des trajets de quelques centaines de kilomètres, jusqu’à 1000 kilomètres.

Pour autant, les défis technologiques à venir pour le secteur aérien sont de taille : pour l’avion hydrogène par exemple, il est absolument nécessaire de développer des modes de production propres, sans quoi le bilan carbone de ces avions serait moins bon que celui des avions propulsés au kérosène.

Il faudra donc à la fois innover, fortement, et contraindre la croissance du trafic, lourdement, pour assurer un futur au transport aérien. C’est d’ailleurs la conclusion d’une étude, menée par les chercheurs de l’Isae-Supaéro, de l’Onera et du CNRS : « La décarbonation des carburants pour l’aviation pourrait être limitée par la disponibilité en ressources énergétiques bas-carbone. Leur utilisation massive pourrait alors entraîner un déplacement de problème environnemental, notamment lié à l’usage des sols. De façon générale, il est nécessaire de penser la transition du secteur aérien de manière systémique dans le cadre des limites planétaires. »

Auteur

Pierre Thouverez

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