Les plastiques, enjeux de la décarbonation
Le celluloïd, apparu en 1856, bien connu par les joueurs de ping- pong, est considéré comme la première matière plastique ; elle-même déjà bio : les fibres cellulosiques du bois sont la ressource essentielle de la fabrication du papier ; il a été suivie plus tard par la cellophane, de même origine, utilisée comme film transparent pour les emballages alimentaires
Etymologies : en grec, « plastikos » puis en latin : « plastica » signifie : art du modelage. Français, au féminin, la « plastique », c’est l’art de sculpter, ou un type de beauté ; au masculin, un plastique, c’est une matière malléable, à ne pas confondre avec un « plastic », mot anglais, signifiant explosif, d’où le verbe « plastiquer », signifiant « faire exploser ».
Historique : Son vrai départ est récent : le celluloïd, apparu en 1856, bien connu par les joueurs de ping- pong, est considéré comme la première matière plastique ; elle-même déjà bio : les fibres cellulosiques du bois sont la ressource essentielle de la fabrication du papier ; il a été suivie plus tard par la cellophane, de même origine, utilisée comme film transparent pour les emballages alimentaires. La bakélite, du nom de son inventeur, Leo Bakeland, est le premier plastique issu de polymères synthétiques du benzène, 50 ans plus tard ; il était utilisé pour ses propriétés isolantes et résistantes à la chaleur ; Il a été suivi par les découvertes de tous ces noms « commerciaux » bien connus, mais moins maintenant : le plexiglas, le nylon, le téflon, le formica ; ce dernier très en vogue dans les années 50, puis presque abandonné, revient en faveur, pour son contenu carbone limité ; il est fabriqué à partir de papier kraft, donc bio, et de mélamine, elle, carbonée. La pétrochimie explose ensuite, favorisée par le développement du pétrole, devenu leader des ressources fossiles, et les plastiques se multiplient en diversité et en masse : aujourd’hui, ils représentent 6% dans le monde, 10% pour les pays développés, des produits pétroliers, et en volume devancent l’acier. Partie de quasiment zéro en 1950, la production est de 50 millions de tonnes en 1975, 100, dix ans plus tard, 300 vingt ans plus tard, et 460 en 2018 (source les Échos).
Un peu de chimie : Une classification industrielle contient 290 espèces de plastiques. La Chimie les classe en 3 catégories : thermo plastiques, avec 11 « familles », thermodurcissables, avec 7 familles, et élastomères avec 3 familles. La première a la propriété de se ramollir avec la chaleur et de redevenir dur en se refroidissant ; c’est une grande qualité puisqu’elle permet le recyclage pour les mêmes emplois. Ce n’est pas le cas des thermodurcissables, qui résistent à la chaleur. La troisième, comme le caoutchouc, a les propriétés suivantes : élasticité, étanchéité, antivibration ; elle est peu recyclable pour le même usage, 10%, car un plastique élastomère contient de nombreux intrants. La plupart sont appelés polymères : polyéthylène, PE, polypropylène, PP, polychlorure de vinyle, PVC, polyéthylène téréphtalate, PET, polystyrène, PS, parmi les plus importants. Les polymères sont le résultat d’une liaison d’un grand nombre d’une même molécule : le monomère : simple comme l’éthylène -(C2H4)n- ou le propylène-(C3H6)n- ou le styrène-(C8H8)n-,ou un peu plus compliqué comme le PVC, qui ajoute le chlore,-(C2H3Cl)n, ou le PET, qui associe le benzène et l’oxygène- (C10H804)n. Les plastiques ne sont pas les seuls polymères ; ils existent dans le vivant, comme l’ADN et l’ARN, bien en vogue aujourd’hui, dans la nature comme tout simplement le bois, ou le latex, caoutchouc naturel, ou des matières comme les peintures.
Carbonation...! La consommation de plastiques en France serait responsable d’environ 5% des émissions de CO2, importations comprises (source WWF). Les plastiques ont une durée de vie « naturelle » très importante, au delà des cent ans, et une dégradation très lente, même photochimique ou dans l’eau, variable selon les uns et les autres, et leur usage. Et ces usages ont une durée courte, très courte pour les emballages, moins de 6 mois- 45% des usages-, jusqu’à 35 ans pour les tuyaux génie civil (source Atlas du plastique). Au départ, la mise en décharge, couverte ou non, des déchets et des usages en fin de vie, pouvait apparaitre comme aussi raisonnable que le CCS –Capture du Carbone et Stockage du CO2- aujourd’hui, d’autant plus que la transition
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climatique n’était pas amorcée. Mais le développement ultra rapide des plastiques n’a pu s’en satisfaire : sur la production totale mondiale de plus de 9 milliards de tonnes produites depuis 50 ans, plus de 5 milliards ont été enfouies
ou mises en décharge ou rejetées en mer, représentant 79% de la production totale ; l’incinération est venue la première en secours, avec 114 incinérateurs sur 129 (source Ademe 2010) produisant de la chaleur et/ou de l’électricité, mais rejetant le carbone à l’atmosphère ; certes, cette méthode permet une moindre consommation de sources carbonées fossiles, mais le C02 produit contribue à l’augmentation des émissions de CO2 dans l’atmosphère. Des études sérieuses estiment que les émissions de CO2 produites par les plastiques pourraient représenter plus de 10% du budget Carbone restant pour atteindre les objectifs de 1,5°C en 2050, si l’incinération se développe (source : Center international Environment). Selon les prédictions, les plastiques devraient représenter 50% de la production pétrochimique en 2050 : la carbonation est venue au secours de l’environnement ! « L’incinération ne devrait pas se faire au détriment de la prévention, ni des filières de recyclage » (Source ADEME 2013). Par ailleurs, il n’est pas irraisonnable d’enfouir des plastiques très difficiles à transformer et de très longue vie et sous une forme acceptable, réduisant les volumes ou étant utilisés dans le génie civil.
Décarbonation. Bilan : Monde : Recyclage 15%, incinération : 25%, décharge : 60% Europe : 32% 45% 25% - France: 24% 44% 32%
Compte tenu des performances des pays développés hors Europe, les statistiques pour les pays en développement sont bien plus faibles pour le recyclage et l’incinération. En France, le recyclage serait à 99% du recyclage mécanique (source comité chimie IESF)
Recyclage : le recyclage n‘est pas le seul outil de la décarbonation, au sens large : bioplastiques, remplaçants moins carbonés comme le papier, traités chimiquement pour se rapprocher des qualités des plastiques, ou non, ou le verre, très recyclable, sobriété, consignage. De plus, il a des freins , comme ces moyens de remplacement : le plus important, c’est la collecte, et le deuxième, le tri ; la collecte nécessite une bonne organisation , des réglementations pour ce dernier, et des moyens de transports ; le tri, très variable entre les pays, les régions , les agglomérations, exigeant des moyens industriels et sociaux, certains tris se faisant à la main, donc des dépenses économiques et énergétiques, plus ou moins carbonées . Pour ce dernier point, l’énergie globale récupérée par le recyclage serait de 65 Mégajoule/kg, contre 20 par l’incinération (source : Atlas du plastique, les Echos 2020). Ces chiffres sont contestés, et pourraient ne s’appliquer qu’aux plus faciles ou au degré de carbonisation de la source d’énergie employée. Après collecte et tri, le recyclage dépend des usages et de ses compositions chimiques. Chaque plastique a sa propre filière. Les premières cibles sont les emballages pour leur importance dominante et pour leur usage majoritairement unique. Il est plus facile s’il ne contient qu’un polymère, peu d’intrants par exemple comme la couleur, et n’est pas multicouche. Ce sont les grands thermoplastiques qui sont visés, tous étant employés en partie pour l’emballage : le polypropylène- 18% de la production mondiale-pour l’alimentaire, le polyéthylène basse densité-17%- pour les sacs, dont poubelles, le polyéthylène haute densité-14%- pour les bouteilles pour agents nettoyant, le polyéthylène téréphtalate-9%- pour les bouteilles boisson et emballages alimentaires, et le polystyrène-6%- pour des emballages type yaourt. Le PVC ne participe que très peu à l’emballage, pour desusages demandant une bonne résistance de type chimique.
Caractéristiques : états des lieux en France (source : France nature environnement, septembre 2020) Polypropylène : très résistant, économique, usages multiples : emballages souples non recyclés, hors
incinération avec d’autres déchets ; usages solides pouvant être recyclés en matériaux pour l’automobile ou le transport.
Polyéthylène basse densité : très souple : emballages ; tri sur un quart du territoire ; recyclage même usage faible: sacs poubelles, tuyaux d’irrigation. Tri accentué en 2022. Projets en cours.
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Polyéthylène haute densité: plus rigide, usages bouteilles ou films d’emballages : bon taux de recyclage pour les bouteilles et flacons, transformés davantage pour des usages solides.
Polyéthylène téréphtalate : pilier de l’emballage bouteilles. Recyclage à 58% pour le même usage, mais seulement pour les bouteilles non colorées ; celles-ci sont pour d’autres usages, dont les fibres textiles.
Polystyrène, emballage ou expansé : non recyclé, projet de recyclage chimique, donc non réutilisable comme tel.
Polyvinylechloride (source Paprec) ou chlorure de polyvinyle : recyclage mécanique aboutissant à la production de paillettes, granulés, et poudre, après dépollution par tri optique, valides pour le même usage. PS : le recyclage chimique existe, mais conduit à d’autres produits ; l’incinération est possible, grâce à la séquestration de l’acide chlorhydrique ;
Avenir : depuis 1950, on a produit dans le monde 9 milliards de tonnes de déchets plastiques ; 9% ont été recyclés, 12% incinérés ; 79% sont en décharge, souvent en pleine «nature » et dans les océans. Cependant depuis quelques années, en tonnage, la collecte et la valorisation augmentent, la mise en décharge baisse, mais très lentement (source National geographic). Les États-Unis sont les plus gros consommateurs de plastiques par personne. Ils exportaient environ un tiers de leurs déchets, récoltés, en Chine ; celle-ci a brutalement interdit cette exportation en 2018 ; depuis, l’incinération a pris le dessus sur le recyclage, pour des raisons économiques : un peu plus de carbonation. L’Europe se veut être la plus efficace dans ce domaine, à l’image du climat. Elle a publié des directives et des objectifs sévères, dont l’élimination des plastiques à usage unique et aussi de pêche, pour la propreté des océans. Pour la décarbonation, elle a augmenté drastiquement les objectifs budgétaires pour les recyclages chimiques, complémentaires du mécanique, en passant de 2,6 milliards d’euros d’ici 2025 pour un objectif de recyclés de 1,2Mt, à 7,2 d’ici2030 pour 3,4MT en2030, et l’obligation d’incorporer 30% de recyclé en 2030.( source PlasticseuropeFrance 2021) ; dans le domaine du recyclable, la France est dans l’avant dernière position avec24% de recyclable, pour une moyenne de 32% et un maximum de 51% en Tchéquie et 50% en Allemagne. (Source Actualité Parlement européen). Le Japon n’en serait qu’à 22% -OCDE-, mais s’est donné des objectifs assez sévères. Mais selon l’OEB,-Office Européen des Brevets-, la France est en deuxième position pour les dépôts de brevets, 17% par rapport à l’Europe, assez loin de l’Allemagne à 32% ; il en est de même pour lesbioplastiques, avec 34% pour l’Allemagne et 22% pour la France. Bonne nouvelle : sur les 20 projets européens sur les plastiques, la France en a hérité de 7(déc.2021). Les producteurs cherchent à produire des plastiques adaptables et les chimistes à les adapter.
Hors sélection, difficile, d’un plastique d’un seul monomère, comme le PET, ou le PE à usage flexible, permettant un retour au même usage avec un haut rendement, les technologies chimiques matures sont les dépolymérisations thermiques par pyrolyse : décomposition des molécules par augmentation des températures, de l’ordre de 450°C, sans oxygène. On obtient une « huile de pyrolyse », apparentée à du pétrole brut, appelée « syncrude » ; sa distillation aboutit à du gaz, utilisé pour cette augmentation de température, et 4 autres catégories de produits : la première est du naphta, pour 20% environ qui devra être traité par vapocraquage permettant d’aboutir aux monomères initiaux : éthylène et propylène ; les autres catégories devront trouver leurs usages classiques du raffinage dont la mobilité, hormis quelques % de charbon, le « char ». L’inconvénient, hors du coût économique, est que le retour à l’origine est de l’ordre de 10% ; par contre, elle permet de traiter une plus grande source de déchets, et donc de faciliter les collectes. De nombreux projets industriels sont en cours, y compris en France. « La solvolyse », pyrolyse avec des solvants, dissolution sélective, pourrait permettre de séparer l’un des polymères des autres.
Addendum : le programme Choose France annonce 21 projets d’investisseurs étrangers, parmi lesquels LoopIndustrie(Québec), Suez : 70.000 T/an de PET, Eastmann(USA) : 170.000T/an : 170.000 t/an de Pet, technologie solvant méthanol, retour même usage, mise en production 2025, les plus grandes du monde pour le moment (source : les Échos 17/01/2022).
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Conclusion : Il y a une très forte prise de conscience en Europe, mais pas encore
dans les autres continents. Les progrès doivent venir simultanément de l’organisation de la collecte, de réaliser les tris de façon unique dans les territoires et au plus près de leur
production, de développer des capacités de recyclage, de la réduction des usages, du remplacement par d’autres matériaux non ou moins carbonés, comme les bioplastiques, le tout orchestré par les réglementations adaptées, avec des moyens économiques prévus..
Si les pays développés ont des technologies matures, ils pourraient aider les autres à éviter ou à réduire la phase carbonante de l’incinération.
Bruno Wiltz, président du comité Environnement, 17/01/2022
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