Un dessin vaut mieux qu'un long discours
“Un dessin vaut mieux qu'un long discours !”
J’ai toujours eu en tête cet adage quand il s’agissait de rédiger une procédure, et pour aller plus loin je considérais que celle-ci devait donc être graphique ainsi que tenir sur une page A4. Pour autant il était difficile de partager cette démarche sans disposer de quelque méthodologie bien établie que mes collègues ne pourraient pas remettre en cause, et pourquoi pas appliquer avec envie.
Mon dernier projet professionnel m’a donné l’occasion (enfin !) de déployer une telle méthode ainsi qu’un outil informatique pour la supporter ; je propose de partager cette expérience.
Tout est parti du constat que notre système de management était certes riche de procédures et instructions, cartes d’identité de processus, mais que peu s’en servait car trop nombreuses et surtout beaucoup trop riches d’informations et impossible à utiliser. Pour exemple il n’était pas rare de trouver des instructions de plusieurs dizaines de pages. Nous avons donc décidé de reprendre le sujet utilisant la méthode qualigramme. Cette méthode fait l’objet d’un ouvrage aux éditions Afnor, La rédaction graphique des procédures - Démarches techniques de description des processus (Voir QR code en fin d’article i).
Les auteurs, Cédric BERGER et Serge GUILLARD, ont établi une méthode, inspirée de méthodologie de description informatique, pour construire une grammaire et un vocabulaire graphique sur trois niveaux :
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Processus : pas d’acteurs identifiés
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Procédures : plusieurs acteurs
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Instructions : un seul acteur
Les règles associées précisent comment décrire alors ces processus, procédures et instructions avec les limites et constructions à respecter. Eureka ! La règle principale est que le graphique doit contenir sur une page A4.
Remarque : pour être complet nous avons aussi évalué d’autres méthodes, telle que le BPMN pratiqué en informatique, mais là encore jugées trop riche et complexes pour l’objectif souhaité.
Le vocabulaire
Les quatre types de formes suivantes composent le langage graphique Qualigram :
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Les Actions
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Les Entités (acteur, rôle, service)
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Les Outils (document, matériel)
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Les Informations
Ce langage graphique permet de représenter toutes les situations, par une approche processus de l'entreprise, qui décrit :
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Les entités concernées : Qui ?
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Les actions à réaliser : Quoi ? et Comment ?
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Les outils à utiliser : Avec quoi ?
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Les informations à utiliser et à produire : Quelles informations ?)
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La circulation de ces informations : De qui ?, Vers qui ?, De quoi ?, vers quoi ?
La mise en situation des formes de base du langage Qualigram compose la figure suivante :
Comme on peut le constater, le vocabulaire graphique de base est très simple. Il répond à un objectif précis : être utilisable et compréhensible à tous les niveaux de l'organisme.
La structuration de la rédaction selon 3 niveaux de rédaction peut se représenter sous la forme d’une pyramide qui n’est pas sans rappeler la pyramide documentaire bien connue des qualiticiens :
Les processus de l'entreprise (Niveau 1) : approche stratégique
Le premier niveau de la pyramide Qualigram représente le contexte et les aspects stratégiques de l'organisme. Ce sont :
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Les grandes missions qu'il doit satisfaire,
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La politique qui doit être mise en œuvre,
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Les objectifs qu'il doit atteindre,
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Les interactions entre les différents processus identifiés
Les questions que l'on doit se poser pour créer une cartographie de processus, sont : Pourquoi ? Vers quoi ?
Les procédures d'organisation (Niveau 2) : approche organisationnelle
Les missions, la politique et les objectifs ayant été définis dans les processus, il convient maintenant de déterminer la manière de les atteindre. C'est l'objet du second niveau de la pyramide qui représente les aspects organisationnels de l'organisme.
La principale raison d'être de ce niveau est de définir les relations clients / fournisseurs internes, le Qui fait quoi ? Ainsi que le Que fait-on ?
Les instructions de travail (Niveau 3) : approche terrain
Maintenant que l'on connaît, grâce aux deux premiers niveaux de la pyramide, le Pourquoi ? et le Qui fait quoi ? Il ne reste plus qu'à savoir Comment ? le travail est réalisé.
C'est l'objectif de la base de la pyramide, qui, au travers des instructions de travail (modes opératoires, protocole, ...) permet d'identifier, de manière détaillée, toutes les opérations élémentaires qui doivent être mises en œuvre par un acteur, pour réaliser une tâche, ainsi que les contrôles associés et les actions correctrices appropriées.
Ainsi posé nous avons commencé par le niveau 1, souvent omis dans les systèmes de management que j’ai pratiqué car les directions souhaitaient avant tout établir les procédures, comprendre ce qui se passait dans leur périmètre, donc les procédures. L’objectif fixé était d’obtenir 40 processus (pour les connaisseurs j’ai négocié pour en avoir 42 sans succès 1).
Parallèlement nous avons cherché un outil support à même de faciliter la rédaction. En effet refondre un système de management est chronophage, donc coûte à l’entreprise ce qui justifie souvent le report du projet …
Là-aussi nous avons évalué plusieurs solutions, des outils de BPMN, des bases de données, des solutions bureautiques classiques, mais aussi l’outil proposé par les auteurs de la méthode à savoir un add-in à Microsoft Visio. A remarquer qu’un autre outil existe sur le marché ; pour ce que nous en avons compris l’éditeur avait racheté les droits d’une première version, il s’agit de PYX4.
Le choix de la solution pourra varier d’une entreprise à l’autre en fonction des politiques propres à celles-ci. Pour notre part nous étions dans une orientation “full” Microsoft aussi l’add-in à Visio a été choisi, couplé au déploiement d’un portail Microsoft Share-Point. Le portail a permis de stoker les fichiers, gérer leurs versions et installer un circuit de validation (workflow) à même de satisfaire les exigences ISO. Cerise sur le gâteau le couple Visio / Share-Point permet de créer des liens hypertexte entre les processus, procédures et instructions facilitant ainsi la navigation dans le système, plus besoin de chercher.
A l’usage nous mettions en moyenne une heure pour rédiger un document, certains n’avaient besoin que d’une mise en forme et dix minutes suffisent, d’autres ont nécessité quelques réunions de travail car la méthode mettait en lumière des incohérences, manques qu’il fallait corriger. Et bien entendu il a fallu aussi supprimer des procédures qui ne servaient à rien ...
La limite de cette solution se trouve dans la nature de VIsio, c’est un outil de bureautique et donc pas toujours aussi robuste qu’une solution dédiée. L’utilisation de Share-Point permet de maîtriser davantage le sujet mais reste critiquable selon le nombre de personnes ayant un profil en lecture / écriture dans la base.
Bilan :
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4 mois pour émettre le besoin, sélectionner la méthode et l’outil
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4 mois pour installer la solution informatique et rédiger les premiers processus (objectif : 40)
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4 mois pour former les rédacteurs et engager la reprise des procédures (objectif : 800 en 6 mois)
La grande majorité des acteurs de ce projet ont apprécié cette méthode et l’outil qui permet réellement un gain de temps (en fait pas de budget supplémentaire, tout a été fait dans le budget courant des services).
La grande force de la méthode est d’apporter un langage commun, simple, partout, de faciliter la compréhension du système de management et donc d’améliorer son application et son respect.
Affaire à suivre ...
1 Se référer au roman H2G2 le guide du voyageur intergalactique (The Hitchhiker's Guide to the Galaxy) de Douglas Adams
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