Vous êtes originaire d’Occitanie. De quel endroit précisément et réussissez-vous à garder des liens?
 Je suis né à Narbonne dans l’Aude et ai étudié cinq ans à Tarbes (dont six mois au Québec à Sherbrooke). Je garde des liens forts avec ma ville natale car mes parents et certains amis d’enfance y habitent toujours. Plus généralement, je suis très attaché à ma région de part son histoire (époque romaine, Narbo Martius et ses vestiges encore à découvrir sous terre, port de la nautique, etc), de sa culture (vin, ostréiculture, saliculture, musicale avec des grands noms Trenet, Brassens, etc) et enfin de ses paysages (littoral de Leucate, massif de la Clape, les petits ports de Peyriac, Bages, la Nautique, les étangs, les Pyrénées).

Le contexte avec le conflit en Ukraine change-t-il votre quotidien et celui de vos amis polonais?
Le conflit, bien que plus anticipé par les Polonais que part l’Europe de l’Ouest, à été tout de même un choc durant les 2 ou 3 premiers mois je dirais. En effet, la Pologne étant sur toute sa partie Est à la frontière avec l’Ukraine, nous avons vu un énorme flux de réfugiés Ukrainiens se masser à la frontière, la traverser et attendre en errant dans les gares non-aménagées pour accueillir alors des millions de personnes totalement perdues. J’ai moi-même pu participer à cet élan de fraternité en aidant la nièce d’une ancienne voisine Ukrainienne vivant à Narbonne a la rejoindre. C’était un moment très émouvant car je l’ai récupérée à Katowice au Sud de la Pologne elle avait l’air vidée de l’intérieur complètement perdue. Nous l’avons accueillie chez nous à Lodz pendant plusieurs jours afin qu’elle puisse retrouver des forces, se doucher, se remettre du long périple de plusieurs jours en train depuis Poltava en Ukraine. Enfin nous lui avons organisé un vol vers Barcelone depuis Varsovie et un bus jusqu’à Perpignan ou sa famille a pu la récupérer. Malheureusement, sa mère et son frère ont été contraints de rester en Ukraine…
Aujourd’hui il est fréquent pour nous de nous promener dans les parcs ou en centre ville et sur plusieurs centaines de mètres de ne croiser que des gens parlant ukrainien dans la rue. Pour autant, les Ukrainien-nes – car en majorité des femmes- sont très vaillants et s’intègrent du mieux possible, ce qui représente aussi pour la Pologne une nouvelle main d’œuvre, parfois très qualifiée et moins chère…

 Que pensez-vous des liens entre la France et la Pologne?
Je ne connais pas tous les détails de l’histoire entre la France et la Pologne mais il est clair que ces liens sont anciens et ce même si la Pologne a souvent été divisée, confisquée, vassalisée. Napoléon qui reste encore aujourd’hui une figure emblématique en Pologne est encore présent dans l’hymne nationale polonais.
La France à la fin du 19eme siècle vue comme une zone de liberté a été une terre d’accueil de grands noms polonais comme Chopin, Marie Curie, Mickiewicz et elle le resta durant la Guerre Froide pour les opposants au communisme – je recommande vivement d’ailleurs le film “Cold War” de Paweł Pawlikowski (d’ailleurs je recommande la filmographie polonaise dans son ensemble ou d’ailleurs l’école de cinema de Lodz est une des plus réputées au monde).
Ces dernières années, les relations n’ont pas été les plus constructives je dirais. Sur le plan économique avec beaucoup de délocalisation d’emplois en Pologne, et sur le plan politique la France libérale européiste qui a du mal à comprendre la Pologne conservatrice du gouvernement PiS – il y au sein même de la Pologne une division avec les grandes villes favorables au libéralisme économique et culturel versus les petites villes et campagnes plus traditionnelles et catholiques.
Aujourd’hui mon ressenti est clair, les Polonais considèrent en majorité la langue et la culture française comme magnifique et élitiste. Je pense que beaucoup de Polonais voient la France toujours comme un pays de liberté ou il fait bon vivre. Les références françaises sont souvent présentes dans les expositions, pièces de théâtre, cinéma, concerts, etc. Des mets français régionaux deviennent de plus en plus faciles à trouver comme le vin et le fromage.
Le point dommageable à mon avis est le manque de connexions aériennes directes entre la Pologne et la France, et cela entraîne une connaissance biaisée de la France: Paris – la capitale, la mode, les musées ou Nice – la côte d’azur, le luxe et l’influence italienne.

Vous souhaitez développer le tourisme entre la Pologne et l’Occitanie. Comment pourriez-vous parvenir à cette fin???
Malgré les sept années passées en Pologne, j’avoue n’être qu’au début de cette réflexion et d’avoir passé toutes ces années à espérer que cela puisse se passer “spontanément” – ou indirectement après avoir montrer suffisamment de photos de vacances depuis la falaise de Leucate à nos amis polonais…
Plus sérieusement, j’aimerai entreprendre cette démarche tant que nous vivons encore à Lodz (nous prévoyons de venir vivre en France d’ici deux ans) et pouvoir initier des projets concrets.
Pour commencer, le plus gros potentiel de notre région à mon sens se trouve dans le fait que nous avons la mer, un climat excellent, des prix plus abordables (et oui – la France est chère pour les polonais) que la côte d’azur et plusieurs aéroports assez importants (Toulouse, Montpellier, Perpignan). De cela en découle beaucoup d’activités qui pourraient être très intéressantes pour les polonais, exemples:

• la mer et les sports nautiques (bateau, voile, plongée, kitesurf – qui est très populaires sur la baltique et nous avons à La Franqui, Gruissan, en Camargue des spots reconnus mondialement)
• les randonnées (Cévennes, Montagne Noire, Pyrénées catalanes, Clape)
• le camping (Hérault et PO sont dans le top 10 des départements ou il y a le plus de camping)
• l’observation des animaux (les flamants roses des étangs et les chevaux de Camargue, la réserve Africaine de Sigean, Parc du Lunaret)
• les communes et villages pittoresques (Collioure et Banyuls, Leucate et La Franqui, Peyriac et Gruissan, Sète et Bouzigues, Aigues-Mortes et Saintes-Maries de la Mer, Minerve et Saint-Guilhem-le-Désert)
• les vestiges historiques (Cité de Carcassonnes, Arènes et Maison Carrée de Nîmes, Amphithéâtre d’Arles, Musée Narbovia)
• la route des vins (du Pic Saint Loup au Banyuls en passant par les muscats de Rivesaltes, Picpoul de Pinet, Castelmaure, et tant d’autres)

 Je ne connais pas le processus de jumelage mais je pense que jumeler des villes comme Jastarnia et Leucate ayant en commun la mer, le vent et le sport me semble être une excellente idée. Un de mes objectifs serait d’impulser au moins une liaison aérienne directe – a minima saisonnière – entre Varsovie et Gdansk et Montpellier ou Toulouse. 

 Ceci était pour la partie Pologne -> Occitanie, pour le chemin inverse, il y a certe mois d’atouts à mes yeux pour le tourisme en Pologne mais cependant il y a un gros mythe qui subsiste encore en France; l’idée que la Pologne n’est que froide, austère, pauvre et sans intérêt. Ce à quoi je suis prêt à parier que plus d’un serait surpris de l’inverse. La Pologne vit ses trente glorieuses depuis plusieurs années et se (re)développe à vitesse grand V. Ainsi, en été l’incontournable massif des Tatras pour les sportifs ou encore la péninsule de Hel pour le kitesurf ou windsurf. Mais aussi la visite des lieux historiques (Auschwitz, château de Wawel, de Torun, de Malbork, vestige du Ghetto de Lodz et son cimetière juif – plus grand nécropole juive d’Europe), sa région des lacs des Mazuries.

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